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La poésie en politique, dans la vie, à l'école

26 Avril 2017 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G.

Pour une école du gai savoir, 2004, pas une ride

Pour une école du gai savoir, 2004, pas une ride

On a vu l'impact de la lecture de poèmes bien interprétés lors des réunions publiques de Jean-Luc Mélenchon, pendant la campagne présidentielle du 1° tour. Hugo, Eluard, Ritsos, Prévert et d'autres sont venus conclure ces réunions, donnant un souffle différent, élargissant l'horizon, faisant monter une autre émotion, quelque chose de moins éphémère que la parole politique, un moment d'éternité aussi intense que la minute de silence pour les noyés de la Méditerranée à Marseille (le seul à avoir eu un tel geste, merci).

La poésie dans la vie, c'est la lire, la dire, l'écrire. Elle accompagne, apaise, par exemple, il y a des poèmes de "deuil" magnifiques quand on a perdu quelqu'un, je pense à celui d'Elizabeth Frye:

Ne reste pas là à pleurer devant ma tombe,
Je n'y suis pas, je n'y dors pas...
Je suis le vent qui souffle dans les arbres
Je suis le scintillement du diamant sur la neige
Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr
Je suis la douce pluie d'automne...
Quand tu t'éveilles dans le calme du matin, Je suis l'envol de ces oiseaux silencieux
Qui tournoient dans le ciel...

Alors ne reste pas là à te lamenter devant ma tombe
Je n'y suis pas, je ne suis pas mort !
Pourquoi serais-je hors de ta vie simplement
Parce que je suis hors de ta vue ?
La mort tu sais, ce n'est rien du tout.
Je suis juste passé de l’autre côté.
Je suis moi et tu es toi.
Quel que soit ce que nous étions l'un pour l'autre avant,
Nous le resterons toujours.

Pour parler de moi, utilise le prénom
Avec lequel tu m'as toujours appelé.
Parle de moi simplement comme tu l'as toujours fait.
Ne change pas de ton, ne prends pas un air grave et triste.
Ris comme avant aux blagues qu'ensemble nous apprécions tant.
Joue, souris, pense à moi, vis pour moi et avec moi.
Laisse mon prénom être le chant réconfortant qu'il a toujours été.
Prononce-le avec simplicité et naturel,
Sans aucune marque de regret.

La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié.
Tout est toujours pareil, elle continue, le fil n’est pas rompu.
Qu'est-ce que la mort sinon un passage ?
Relativise et laisse couler toutes les agressions de la vie,
Pense et parle toujours de moi autour de toi et tu verras,

Tout ira bien.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, Je suis là, juste de l’autre côté.

Mary Elizabeth Frye

On comprend alors l'importance de la poésie à l'école.

J'ai édité en 2004 un livre de 400 pages, 1 Kg, Pour une école du gai savoir; il m'en reste; 3 auteurs (Philippe Granarolo, philosophe, adjoint à La Garde, Laurent Carle et moi-même); pages 247 à 252, on trouve des textes poétiques de jeunes et les deux dernières pages, 392, 393, sont deux poèmes d'élèves de 6°; le livre s'achève sur cette citation de Flaubert : la civilisation est une histoire contre la poésie;

Les Cahiers de l'Égaré ont édité aussi 5 Printemps des poètes dans les collèges du Var (2000-2004), livres présentant les poèmes obtenus par la BIP, brigade d'intervention poétique, une trentaine de poètes intervenant une journée dans 30 collèges; et puis, ça s'est arrêté; les sous, vous savez, il paraît que des fois, il n'y en a plus et puis, ça s'est arrêté l'année où j'ai été éjecté de la Maison des Comoni; c'était une opération financée par le Conseil Général du Var, à l'initiative de Rémy Durand, détaché et attaché culturel de l'IA du Var et de l'Académie de Nice; je faisais partie de la BIP.        J.C. Grosse

Voici un vieil article d'Evelyne Charmeux sur ce sujet. Il date d'avril 2008. Comme quoi les blogs ont aussi  leur éternité.

La mémoire : quel rapport avec la récitation ? Et avec la poésie ?

 

Georges Jean, immense poète et théoricien de la poésie en classe, disait : "Il faut tuer la récitation pour sauver la poésie". Apparemment, nos dirigeants n'ont pas lu Georges Jean, et n'ont sans doute ni lu, ni écrit beaucoup de poésie... Les nouveaux programmes qui, avec la démagogie qui les anime, réintroduisent ce terme familier (mais non dépourvu de connotations inquiétantes), nous amènent à réfléchir sur la poésie en classe et sur le rôle de la mémoire dans l'éducation de nos petits.



Parlons de poésie d'abord : on en parle si peu aujourd'hui !
Je voudrais commencer par donner la parole à ceux qui, en leur temps, ont dit des choses, bien oubliées aujourd'hui, mais essentielles sur la poésie et l'école. En commençant par rappeler le cri d'alarme poussé par Josette Jolibert, en 1971, à ce propos, sous le titre : "Il faut réconcilier poésie et pédagogie".


Nous sommes tous des sous-développés en poésie, comme lecteurs et comme créateurs . 
Pour combien d’entre nous la poésie est-elle autre chose qu’un “supplément d’âme” occasionnel ? 
Et quelle poésie, 
plus récente que celle de Baudelaire,
et autre que celle qui “veut dire” quelque chose immédiatement ?
Pour combien d’entre nous René Char ou tel autre poète de notre temps sont-ils confrontation quotidienne?
Et combien d’entre nous écrivent ? créent ?
Prenons-en acte sans nous culpabiliser. C’est une situation historiquement datée. Il est facile de situer les responsabilités en posant ces questions :
quelle formation ?
quelle disponibilité ?
quel environnement culturel ?
quand a-t-on sollicité notre créativité
 ?

Quand on lit cela, on ne peut qu'être bouleversés : il y a trente-sept ans que ces choses ont été dites, et qu'y a-t-il eu de changé depuis ?
Pourtant, à cette époque, sous l'impulsion des propositions que Georges Jean avait développées dans le chapitre intitulé : "Poésie et approche de la langue poétique" du Plan de Rénovation de l'enseignement du français à l'Ecole Elémentaire, (dont il faut savoir qu'il devait devenir texte officiel, avec l'accord du ministre de l'époque, mais qui subit le veto absolu de Monsieur Georges Pompidou, nouveau président de la République), les propositions concrètes ne manquaient pas.
je souhaite ici faire connaître à nos collègues, quelques extraits au moins du texte de G. Jean, ne serait-ce que pour pouvoir les comparer à ce que disent les nouveaux programmes.


Il serait tout d'abord préférable de remplacer le terme de « récitation » par celui de « poésie ». 
Non que la mémorisation des textes poétiques soit abandonnée mais parce que la "récitation" — la diction, plutôt — proprement dite 
n'est et ne doit être qu'un moment dans l'activité de poésie qu'il est souhaitable de voir instituer à tous les niveaux de l'enseignement élémentaire. (...)
La poésie est propre à rendre à l'enfance ce que l'enfance lui a donné. Et à susciter chez l'enfant le besoin de dire, enfin, tout ce que l'on a à dire, et à le faire partager. 
La poésie aurait donc à l'école élémentaire la double fonction de «donner à voir» et de provoquer chez l'enfant le désir de rendre conscient l’inexprimable.
il serait bon d'introduire le plus souvent possible au cours de la classe, des lectures de un ou plusieurs poèmes, lectures faites par le maître ou par des enfants, que traverse la poésie.
Chaque semaine, le ou les textes ayant obtenu la plus grande audience ou celui qui plaît tout particulièrement à un enfant ou au maître, 
seraient plus spécialement étudiés en vue de la diction et éventuellement de la mémorisation
Il s'agit d'une imprégnation plus globale qu'analytique et qui concerne aussi bien la sensibilité et l'imaginaire que la conscience claire des formes du discours. On ne cherchera pas à fixer des structures, mais à faciliter pour les enfants qui le désirent 
la constitution d'un « trésor » personnel de poèmes, susceptible de renaître à chaque appel. Cependant on n'oubliera jamais que la poésie est une langue « qui parle et qui se parle » et l'on accordera la plus grande importance à la perception par l'enfant de la respiration, de la prosodie, de l'accentuation, de l’articulation des textes poétiques. Le premier souci de celui qui dit un poème devrait être de faire entendre le poème, sans le trahir. En même temps, il devrait chercher à ne pas effacer l’originalité unique de sa voix. Car il ne s'agit pas de sacrifier la personnalité de chaque enfant à une perfection académique ou faussement expressive. On se gardera même dans ce sens d'imposer de l'extérieur une expression, une intonation qui ne peut provenir que du seul respect du texte. La plus grande difficulté résultant de cette orientation nouvelle concerne sans doute le choix des textes. « Le meilleur choix de poème est celui que l'on fait pour soi » disait Eluard. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup à attendre dans ce domaine de la curiosité, de la sensibilité, de la culture des maîtres. Par ailleurs, il n'est pas vain de parler à ce sujet, « d'expériences poétiques », dans la mesure où le maître et les enfants «essaient» les textes les plus divers et retiennent ceux qui semblent convenir aux uns et aux autres, et même s'inscrivent dans certaines circonstances précises.

Je voudrais souligner, dans ce très beau texte, l'immense respect de l'enfant qui l'anime et le sens poétique profond qui s'en dégage.
Aujourd'hui, que trouve-t-on dans le projet de nouveaux programmes ? 
1- Pour l'école maternelle : "Dire ou chanter une dizaine de comptines avec une bonne prononciation".
Il n'est pas précisé ce qu'est une "bonne" prononciation... 
Il est vrai que dès la grande section, il s'agit d'avoir en plus "un ton approprié". On ne précise pas non plus ni à quoi doit être approprié ce ton, ni en quoi il consiste.
2- Au CP et au CE1 : "Dire de mémoire de courts poèmes ou des comptines, en mentionnant le titre et l'auteur, en respectant le rythme et en ménageant des respirations, et sans commettre d'erreurs (sans oublis ou substitutions)". 
Avouez que c'est là une conception délicieusement romantique, et tout à fait propre à éveiller le sens poétique des enfants ! Josette Jolibert doit être rassurée...
3- Quant aux CE2, CM1 et CM2, ils devront "dire sans erreurs et de manière expressive, une dizaine de textes en prose ou de poèmes"
Comme plus haut, on ne précise pas ce qu'est une "manière expressive", mais on peut surtout remarquer que la sanction des erreurs prime de toute évidence le sentiment poétique... On est loin des "moments de poésie" ; on est loin du "trésor" personnel et de la langue "qui parle et qui se parle ", on est très loin de la culture.
Il est donc incontestable que le retour de ce terme de récitation a fait disparaître non seulement le terme de "poésie", mais tout l'esprit de cette "rose inutile et nécessaire" (G. Jean), dont le rôle dans l'éducation est une évidence démontrée depuis toujours. 

Mais il y a plus grave.
Je vois dans l'utilisation de ce terme, — amalgame (encore un) entre 
mémoire et récitation —, une volonté, sans doute parfaitement consciente, de mise au pas des élèves. 
Avez-vous remarqué que toutes les formes d'obscurantisme, religieux ou non, n'enseignent qu'avec de la récitation de textes appris par cœur ? Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ? 
C'est que, figurez-vous, pendant qu'on récite, on ne pense pas ! La récitation occupe tout le cerveau qui n'a plus besoin même de comprendre ce qu'il débite, et qui se laisse dévorer de l'intérieur par des mots étrangers à lui. 
Rien à voir avec la mémoire, qui est nourriture de la pensée et qui se nourrit elle-même, non point d'apprentissage par cœur, mais de mille, cinq mille lectures. C'est en lisant et en relisant des poèmes chaque jour, avec le texte sous les yeux — parce que la poésie ne souffre pas que l'on ait des trous de mémoire, et parce que le vécu poétique n'a rien à voir avec un contrôle de mémorisation — que la mémoire se nourrit.
Qu'elle soit chose essentielle et qu'il faille la développer, cela va de soi. 
Le problème, c'est que jamais le fait de "réciter" n'a développé la mémoire, ni quoi que ce soit d'autre, du reste. 
Ce qui est essentiel, c'est de 
savoir par cœur des quantités de textes (pas une "dizaine"... !). Et ce n'est pas du tout pour les réciter : Ils servent, ces textes, à fabriquer le miel culturel de chacun, celui qui fait réfléchir, qui structure la pensée et qui équilibre la personne. La mémoire, il faut le répéter, n'existe et ne se développe que par des lectures, encore et toujours recommencées. 
Est-il certain qu'une méthode syllabique d'enseignement d'icelle prépare bien à cela ? 

 

Commentaires de Christian Montelle

Pour inspirer l'amour et non la haine des poèmes, le récital de poésie commence à être connu : il marche vraiment très bien. De nombreux collègues peuvent en témoigner.
Le récital de poésie
Bon ! la récitation ennuie à mourir beaucoup d’élèves, même si elle en réjouit d’autres. Comment la rendre attractive ? Imaginez-vous (souvenir…) en train de dire un poème devant des camarades qui ne vous écoutent pas, puisque tous connaissent déjà le texte par cœur, et à l’intention d’un professeur qui ne guette que vos oublis ; vous voilà donc en train de réciter un poème que vous n’aimez pas forcément et que vous avez plus ou moins compris. Cette perspective vous plonge-t-elle dans l’allégresse ou dans la morne acceptation d’une corvée inévitable ? Ne peut-on imaginer de donner vie de façon plus jubilatoire aux beaux poèmes de notre patrimoine ? Je veux en présenter une, parmi tant d’autres, et qui plaît beaucoup aux élèves : le récital. Avec mes élèves nous avons constitué au fil des ans des fichiers de poésie, un pour les 6e/5e et un autre pour les 4e/3e. Nous approchons des trois cents poèmes dans chaque fichier : que des beaux, des bons, des gouleyants, des signifiants, des qui nous plaisent (le maître participe au choix), en toute subjectivité. Fiches au format B5, poèmes collés proprement, et comprenant au verso une notice sur l’auteur.

Le travail sur la voix, évoqué plus haut, a été effectué, des poèmes étant lus par le professeur ou les élèves comme exemples. Le récital est annoncé avec quinze jours d’avance (ou un mois…). Des paquets de fiches sont distribués à chaque élève. Lecture silencieuse, choix du poème que chacun va « offrir » à la classe (ou à un auditoire plus large).
Le jour du récital arrive, réservé à la classe aujourd’hui. Consignes : après la musique de début (une musique qui reviendra de temps en temps lors des silences, une musique douce, un peu envoûtante : Suite pour violoncelle de Bach, par exemple), seule la poésie aura la parole. Aucun commentaire d’élève ou de professeur, mais tout le monde, y compris le professeur, pourra dire, lire, chanter, crier, psalmodier — en un mot donner voix — à un ou plusieurs poèmes, du lieu de la classe qu’il choisira, de la façon qui lui semblera convaincante. Le récitant doit articuler, prendre son temps, car les autres ne connaissent pas son poème ; il leur offre, d’amitié, le texte qui l’a conquis lui-même. L’écoute est maximale, le silence d’une densité incroyable. Il faut avoir vécu une de ces séances pour savoir l’émotion que peut engendrer un poème dit, vraiment dit, quand le silence est un berceau dans lequel la parole prend une vie nouvelle. La musique clora doucement la séance et permettra de revenir dans le monde de la classe où, toutefois, aucun jugement ne sera porté, aucune note ne sera donnée. En effet, cette prestation est tellement personnelle et authentique que ce serait juger la personne de façon terrible que d’ajouter quelque chose à la voix entendue. Ces récitals plaisent tellement aux enfants qu’ils sont une récompense : Monsieur, s’il vous plaît, on prépare un récital de poèmes ? Je ne rêve pas : essayez !
Bien sûr, un récital peut être donné à une autre classe qui rendra la pareille, à des parents lors d’une fête, mais cela est secondaire. Le premier objectif visé est l’émotion partagée qui fonde la classe, pas la représentation qui place le poème au second plan.

Une variante peut être amenée, en fin d’année, lorsque la diction est bien maîtrisée : c’est l’enregistrement au caméscope. Il est recommandé d’utiliser un micro de proximité de bonne qualité pour garder toute l’émotion contenue dans les voix. Une caméra qui fait des gros plans, qui tourne autour du récitant, qui glisse sur le public, voilà de bons exercices, assez faciles, pour mettre en pratique les études sur l’image. La cassette/CD/DVD audio ou vidéo pourra être dupliquée pour les familles, passée sur le circuit interne ou la radio du collège, proposée à quelque cyberjournal : offrir un poème à un enfant du bout du monde !
Extrait de :Christian Montelle, La parole contre l'échec scolaire, l'Harmattan, 2005

 

Christian Montelle

Chère Eveline,
Vous écrivez :
"Ce qui est essentiel, c'est de savoir par cœur des quantités de textes (pas une "dizaine"... !). Et ce n'est pas du tout pour les réciter : Ils servent, ces textes, à fabriquer le miel culturel de chacun, celui qui fait réfléchir, qui structure la pensée et qui équilibre la personne. La mémoire, il faut le répéter, n'existe et ne se développe que par des lectures, encore et toujours recommencées. "
En tout cas, je pense que le poème n'existe pas tant qu'il ne s'est pas envolé dans la parole. Le poème fait plus souvent ressentir que réfléchir. Ressentir par le fait qu'il ouvre de façon différente nos yeux sur le monde.
Le poème est aussi musique et, comme une partition, il a besoin d'être interprété. Quel plaisir peut-on éprouver à lire une partition bouche fermée ?
Chacun interprète le poème de façon différente et c'est un formidable plaisir de partager cette diversité qui enrichit chaque auditeur.
On peut lire, réciter, psalmodier, chanter les poèmes. Qu'importe si on leur donne des ailes ! Les ailes du désir. Les ailes du plaisir. Les ailes du partage.
Revenir à la récitation ancienne n'a pas tout à fait ces objectifs ! La récitation-corvée tuera encore un peu plus la poésie !



 

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Le Chercheur/Lars Muhl/Flammarion

16 Février 2017 , Rédigé par grossel Publié dans #développement personnel, #J.C.G., #note de lecture

présentation du livre par l'éditeur

présentation du livre par l'éditeur

Le Chercheur

Lars Muhl

Flammarion 2017

C'est sur proposition de Flammarion que je me suis retrouvé lecteur en avant-première de ce 1° tome d'une trilogie de Lars Muhl, O manuscript, comprenant The Seer, The Magdalene, The Grail.

The Seer, Le Voyant, Le Chercheur a été publié en 2012.

Traduit pour la 1° fois en français, Le Chercheur, est le récit d'une série de rencontres initiatiques entre le narrateur et le Voyant. Ayant de lui-même renoncé à une carrière de musicien, ayant renoncé à la plupart des illusions auxquelles aspirent la plupart des gens, réussite, reconnaissance, argent, pouvoir, vivant solitaire et de peu, le narrateur semble avoir atteint le fond car il n'a pas encore pleine conscience de la fausseté des artifices et paillettes qui attirent la plupart.

Il entreprend un voyage en train depuis Copenhague jusqu'en Espagne, voyage décrit en plusieurs épisodes, alternant avec le récit des rencontres, des expériences et leçons données par le Voyant. Entre chaque épisode de ce voyage, des rencontres ou plutôt dans un premier temps, des réponses à des invitations.

Il se rend là où un mystérieux interlocuteur l'invite à se rendre, révélant ainsi une disponibilité propice à l'initiation. Il en a déjà fini avec d'innombrables freins et liens, avec d'innombrables peurs. C'est au pied de Monségur que le mystérieux personnage, le Voyant, va se montrer, lui faisant vivre des montées ardues et des rencontres annoncées.

En grimpant cette montagne réelle, il va découvrir ce pour quoi il est destiné, ce qu'il désire vraiment qui consiste à « être présent en tant qu'être humain », sacrée montagne, autrement plus ardue que celle de Monségur.

L'initiation passe par des expériences, celle du sac à dos que le Voyant charge de pierres réelles, métaphores ou symboles de poids psychiques dont il doit se libérer, se soulager.

Le Voyant a des « pouvoirs » extraordinaires mais prenons le mot « pouvoir » avec précaution puisque ce mot est récusé par le Voyant. Pour un lecteur n'ayant pas été initié, cela ressemble à des pouvoirs. En réalité, c'est parce qu'il se hisse à une conscience nouvelle, plus globale que les niveaux de conscience acquis et transmis, parce qu'il réussit à se rendre isogyne, seulement et pleinement humain, non-déterminé par le genre, non-personnalité, disponible sans limites qu'il est capable de modifier, de transformer l'état de celui qui fait appel à lui, en dernier recours, pour le guérir de sa maladie ou le sortir de son état moribond car il est d'abord malade, il se meurt de ses pensées nocives. Ce sont nos poisons qui nous empoisonnent. Et c'est parce qu'il est en harmonie avec l'univers, qu'il est synchrone avec le flux de la Vie qu'il peut aider l'autre, induire en lui cette harmonie. Il est responsable de cet autre qui se livre à lui. Et peut donc répondre concrètement à la question que puis-je faire pour lui ?

La question de Hamlet, être ou ne pas être, doit retrouver toute sa force de questionnement. Pour être, il faut savoir ce qu'on n'est pas, se purifier, se raffiner, se rendre invisible, gagner en élégance et en humour, (l'humour doit être désarmant et donc me désarmer, surtout quand je me heurte à un obstacle, à un échec ; de lourd, le rendre léger), développer attention et concentration, remplacer l'instinct par l'intuition, devenir un véritable artiste c'est-à-dire être à l'écoute de l'harmonie universelle, en harmonie avec les lois universelles, devenir un danseur cosmique. Ce qu'est sans doute la Dona, la gitane croisée à Malaga dont l'élégance naturelle (elle est l'élégance) éclipse toutes les beautés artificielles qui cherchent à se mettre en valeur sur la Promenade.

De Vinci est décrit comme un ambassadeur de visions, transformant ce qu'il recevait dans un esprit identique à celui contenu dans ce qu'il recevait. L'artiste a pour mission de transformer ce qu'il a reçu avec sa conscience qu'il s'est exercé à aiguiser, à rendre extrêmement sensible, venu de l'humain et du cosmique. Et de lui proposer l'exercice de visualisation de la flamme d'une bougie. Deux sortes de lumières sont évoquées, la lumière bleu gaz qui renvoie à toutes les énergies physiques, la lumière dorée qui renvoie à l'énergie spirituelle.

Pour quelqu'un qui est en recherche spirituelle, ce récit est nourricier. Nombre de leçons, de formules sont audibles, parlantes, incitatives à un travail de dépouillement. Évidemment, on sent des influences venues de l'étude de nombreux textes des traditions et de la mystique. Assez peu de considérations de nature scientifique. Quand cela se produit, ça ne m'a pas semblé convaincant, par exemple les 24 énergies présentes dans une pièce et représentant les mésusages antérieurs de « son » pouvoir par le Voyant.

Pour conclure, ce récit d'initiation n'est pas austère. Le narrateur comme le Voyant sont aussi de bons vivants, aimant bons plats, bons vins, aimant se promener, profiter des lieux comme des gens.

Lars Muhl est entré en 2013 dans la liste Watkins des guides spirituels, le Dalaï Lama en 1° position, Deepak Chopra en 4°, Lars Muhl en 90°. Paulo Coelho est 7°, Jodorowsky, 27°, Benoît XVI, 33°, Rupert Sheldrake, 87°. Aucun des "maîtres" français: Matthieu Ricard, Frédéric Lenoir, Laurent Gounelle, Christophe André, Alexandre Jollien, Jacques Salomé. Bizarre cette liste anglo-saxonne.

On trouve sur you tube des vidéos, hélas aucune en français. Ce livre édité par Flammarion vient donc à propos.

 

Jean-Claude Grosse

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Note sur le vote / la grève des électeurs

3 Mars 2015 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #FINS DE PARTIES, #agoras, #note de lecture, #pour toujours, #écriture- lecture

Note sur le vote / la grève des électeurs

Face à la montée de l'abstention, de la défiance envers les élus, du populisme : la démocratie est-elle en danger ? Comment remobiliser le citoyen dans ses devoirs ?

En effet de plus en plus de citoyens ne se "dérangent " plus pour voter.

Pourquoi ? Certainement à cause d'un ensemble de faits. Mais Il semble, entre autre, que plus personne ne soit dupe de la mascarade que représentent les élections :

1- les candidats avancent des promesses irréalisables. Une fois au pouvoir tout le monde sait qu'ils ne pourront pas les tenir parce qu'en fait le pouvoir ne se tient pas là . La guerre est économique, et ce sont les multinationales ou les banques qui tiennent les rennes.

2- la crise de 2008 a confirmer la subordination des Etats aux banques et au système financier dans son ensemble.

Pour sauver le système financier les Etats ont contracté une dette énorme, qui se payent aujourd'hui par des politiques d'austérité.

La priorité après cette crise majeure était de séparer les banques d'investissements des banques spéculatives. A ce jour, rien ou presque n'a été fait et le monde entier reste un énorme casino (cf Patick VIVERET- philosophe, conseiller à la Cour des Comptes). Ca passe ou ca casse !

3- au delà de la crise financière, le monde doit faire face à une crise sociale et écologique majeure. Le discours des politiques sur une croissance illimitée qui devrait tout résoudre n'est plus crédible. On ne peut pas croître indéfiniment avec des ressources limitées et en payant le prix fort de la destruction massive de la planète qui nous héberge.

4- les citoyens aspirent à un changement de paradigme, qu'aucun politique n'incarne à leurs yeux. Mettre l'économie au service de l'homme et non l'homme au service de l'économie.

Ils préfèrent donc l'action directe et citoyenne : ZAD, pétitions internet, ...etc. L'économie sociale et solidaire (ESS) progresse et se base sur la collaboration, l'échange, la solidarité, le partage.

Mais elle n'est pas encore enseignée à l'ENA, ce qui renforce le fossé entre "élite" de la Nation et citoyen...

Ainsi donc le citoyen place de plus en plus (et surtout les jeunes) ses urgences, ses moyens d'action et ses "devoirs" à un autre niveau, dans une autre sphère d'action.

Le vote traditionnel , sans aucune consultation, sans aucun contrôle possible entre deux échéances électorales, est périmé !

La démocratie doit se vivre à 2 niveaux :

- sur un plan local pour tout ce qui régie le quotidien, organisé en Pôles de développement autonomes et à hiérarchie horizontale

- sur un plan mondial pour toutes les questions de sécurité et de protection de la planète (cf Les sommets de La Terre)

La remobilisation des citoyens passe donc par une révolution des mentalités et une révolution de l'organisation du vivre ensemble

le 25 février 2015

michelle Lissillour

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La cause humaine/Du bon usage de la fin d'un monde/Patrick Viveret

9 Juillet 2014 , Rédigé par grossel Publié dans #agora

La cause humaine

Vivre à la bonne heure

Patrick Viveret

Du bon usage de la fin d'un monde

Il y a des livres qui désespèrent. Il y en d'autres qui tentent d'ouvrir des voies. Comment suis-je passé de livres désespérants à deux livres optimistes ? D'autres avaient précédé tout de même, de Stéphane Hessel, Edgar Morin par exemple. Et via les réseaux sociaux, une sensibilisation à des mouvements, actions.

Pour parler des deux livres de Patrick Viveret, je ne m'attarderai pas sur le constat. Nous sommes à la fin d'un monde qui ne le sait pas encore vraiment ou ne veut pas le savoir. Les capitalistes ont gagné la lutte des classes disent-ils. Tant pis pour eux s'ils y croient. Ils ne renonceront pas d'eux-mêmes à leur logiciel mental, fait de démesure. Euphorie et panique les animent. Ils mettent en coupe réglée planète et gens et tant pis pour les dégâts et catastrophes. Les gens ordinaires ont un logiciel d'une étonnante fixité. Il n'y a qu'à voir les résultats électoraux. Certes, il y a des flux, des votes communistes vers les votes FN, des votes extrême-gauche vers front de gauche. Mais il faut que les partis au pouvoir exacerbent les tensions par leur soumission au capital pour que ces flux se manifestent. Ça demande des décennies. Bref, il est clair que les élections comme soi-disant moyen d'exercer la démocratie sont un outil anti-démocratique et il faudra bien l'admettre. L'abstention n'est pas prise en compte alors que c'est le parti majoritaire. Il faudra revenir aux Grecs ou inventer de nouvelles façons de contrôler le pouvoir et les banques, principal moyen de la soumission. Les multi-nationales sont également à contrôler, leur pouvoir de nuisance est considérable ne serait-ce que par le lobbying, la publicité mensongère, la lutte sans merci pour cadenasser la démocratie. Il y a tout de même des logiciels qui changent, des gens qui agissent, réfléchissent, partagent.

Patrick Viveret montre que ces forces sont à l'oeuvre avec des logiciels autres. Deux trépieds, l'ABS et le REV. L'ABS c'est le logiciel des sentiments moteurs positifs pour changer, sortir par le haut des mécanismes mortifères à l'oeuvre. L'Amour, de soi, d'autrui, de la nature, de la beauté, de l'art. Le Bonheur, la recherche active du bonheur, pas un état statique de repos, une activité permanente faite de curiosité, de découverte, d'invention, de partage. Le Sens, la recherche de sens est essentielle pour le changement de logiciel. Amour et bonheur sont partiellement au service du sens, tout en donnant du plaisir. On combat mieux si on n'est plus dans une logique guerrière, si on en tire des bénéfices de type qualitatif, si de la valeur s'ajoute, si des valeurs communes sont discutées, partagées, si on se demande que voulons-nous faire de notre vie et pas seulement dans notre vie, sachant aussi que nous sommes mortels et que cet horizon donne si on sait le méditer, de la valeur à la vie, du goût à celle-ci, donne l'envie du bien-vivre.

Je me propose plutôt que de commenter de faire un inventaire de solutions.


1 - La mesure des richesses. Quoi intégrer dans le PIB ? Les profits de la prostitution, de la drogue, des trafics divers comme le propose l'Europe aux états membres ? Les flux liés à la publicité (1200 milliards de dollars), aux ventes d'armes (1600 milliards de dollars) ? 10 % des sommes qui circulent pour la drogue, les armes, la publicité (l'économie du mal-être) suffiraient à satisfaire les besoins vitaux non satisfaits de l'humanité. Ou faut-il intégrer de vraies richesses pas nécessairement sources de flux monétaires comme le travail des femmes au foyer, le travail des bénévoles d'associations... ? Il faut que devienne publique la question : qu'est-ce qui compte vraiment pour nous ? Qu'est-ce qui doit être pris en compte ?

Pour que ce genre de questions soient prises en compte, il faut élargir la démocratie, il faut que cela entre dans le débat public et citoyen, que ce ne soit pas l'apanage des experts et technocrates de l'Europe et de l'INSEE. Voir ce qui s'est passé au Boutan avec la création du BNB, Bonheur National Brut, excellent documentaire de Marie-Monique Robin

2 - La création de monnaies locales dont un des principes est qu'une monnaie locale perd de la valeur si elle n'est pas utilisée ce qui interdit l'accumulation, la thésaurisation.

Les monnaies locales complémentaires dans le monde d'aujourd'jui

En 2014, plus de 2.500 systèmes de monnaie locale sont utilisés à travers le monde.

L'un des plus en vue est le LETS (Local Exchange Trading System), un réseau d'échange supporté par sa propre monnaie interne. Démarré à l'origine à Vancouver, au Canada, plus de 30 systèmes LETS sont aujourd'hui actifs au Canada et 400 autres dans le monde.

En Angleterre, la ville de Lewes, capitale de l'East Sussex, fut une des premières en 2008 à battre sa propre monnaie. Ses quelque 16.000 habitants peuvent l'utiliser dans les commerces locaux.Plus de soixante-dix sociétés ou magasins acceptent cette devise, valant autant que la livre sterling. D'autres petites villes ont suivi, avec une certaine réussite : Stroud, Totnes, Brixton, etc. A plus grande échelle, Bristol, un ville de 400.000 habitants encourage depuis 2012 l'usage de la livre de Bristol ("Bristol pound"). L'investissement de la ville est très faible (5000£) mais son effet de levier est déterminant. Selon Guy Poultney, conseiller municipal à la vie communautaire à Bristol, "dans un contexte économique difficile, les habitants sont incités à acheter local... Cela encourage également la diversification de l’économie locale pour aider à la création d’emplois de qualité. Nous avons atteint des millions de personnes. Il est important de souligner une accélération de la consommation puisque cet argent est fait pour être être dépensé et non économisé, stimulant ainsi le secteur indépendant. Il y a sept espaces d’échange répartis dans la ville. Les gens peuvent aussi simplement recevoir des Bristol pounds lorsqu’on leur rend la monnaie. Nous avons également commencé à faire la promotion du Bristol pound sur les salaires. À noter que vous pouvez payer un autre membre du réseau en ligne ou via un simple texto. Le réseau du Bristol pound est très large afin d’inclure toute entreprise indépendante locale. Nous nous réservons cependant le droit de refuser un membre si nous estimons que son activité sape la réputation et le fonctionnement du projet."

En Allemagne le Chiemgauer créé à Prien am Chiemsee en 2003, similaire au LETS anglais, a fait tâche d’huile en Bavière et prend une dimension de monnaie d’échange régionale. D’autres monnaies complémentaires ont également vues le jour comme le Berliner, ou les Tauschringe plus ou moins specialisés sur un type de troc ou de produits.

Partout dans le monde le système se développe : l'Italie, le Brésil, le Japon, les Etats-Unis, le Mexique, le Sénégal,la Lettonie, pour ne citer qu'eux, ont des expériences en cours de monnaies locales.

En France , de nombreuses initiatives de monnaies locales ont été lancées depuis 2010. Parmi ells on peut citer le SEL (Système d'échange local) l’équivalent diu LETS anglais ou encore le projet SOL avec sa monnaie “solidaire dématérialisée” . A Toulouse le Sol-Violette, est une "monnaie de territoire, un outil de cohésion sociale, un vecteur de création de richesses mais également d'emplois, un instrument d'échange au service du Bien ". De fait la mairie de Toulouse distribue une petite partie des prestations sociales en Sol Violette. Comme le Chiemgauer en Allemagne, le Sol Violette de Toulouse, est une monnaie fondante. Elle perde peu à peu de leur valeur au fil des mois ce qui incite à l'utiliser et à faire tourner l'économie locale. Au total une vingtaine de monnaies locales ont été crée en France : l’eusko en pays basque, le MIEL (Monnaie d'Intérêt Economique Local) à Libourne, le Bou’Sol à Boulogne sur mer, l’Elef à Chambéry, etc. Dans l'Hérault, les commerçants de Pézenas ont lancé l'Occitan, une monnaie alternative, moyen de paiement légal au même titre que les chèques déjeuners.

3 – Le revenu universel de base

http://www.dailymotion.com/video/x18ij09_le-revenu-de-base-un-nouveau-droit-humain_news

4 – une nouvelle donne démocratique, à commencer par une nouvelle constitution écrite par les citoyens et non par les partis et visant le contrôle des politiques et politiciens

https://www.youtube.com/watch?v=zjq4y6115sg&feature=youtu.be

5 – la bataille des semences qu'il faut gagner contre Monsanto par exemple ;

kokopelli mène un combat à soutenir

de même qu'il faut soutenir les initiatives de Pierre Rabhi, Semons des graines, créons l'abondance, Les incroyables comestibles; excellent documentaire en DVD de Marie-Monique Robin, Le monde selon Monsanto

6 – la bataille pour l'autosuffisance alimentaire, les circuits courts, les jardins partagés, les AMAP, une agriculture savante c'est-à-dire éminemment écologique; voir l'excellent documentaire de Marie-Monique Robin sur Les moissons du futur

7 – les changements dans les habitudes de transport, les habitudes alimentaires, vestimentaires, dans l'aménagement urbain, dans l'habitat

les habitats verticaux

http://www.village-vertical.org/

http://www.lexpress.fr/region/aquitaine/begles-invente-le-lotissement-vertical-modulable_1264436.html

8 – la bataille pour l'autosuffisance énergétique, la réduction par chacun de son empreinte carbone

aller à 25 minutes de ce JT de France 2

http://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-lundi-7-juillet-2014_636065.html

les incroyables comestibles

https://www.facebook.com/lesincroyablescomestiblesmenetousalon?fref=ts

c'était un peu ce que la liste Avec vous maintenant voulait pour Le Revest en 2008 avec le village éco-citoyen, non ?

http://avecvousmaintenant.free.fr/IMG/pdf/projet_avm_vers4.pdf

on n'avait peut-être pas trouvé la bonne communication

autres liens

le mouvement des colibris,

http://www.colibris-lemouvement.org/

semons des graines, créons l'abondance

https://www.facebook.com/SemonsDesGrainesCreonsLabondance?fref=ts

les moissons du futur

et quantité d'autres initiatives

la guerre des graines :

http://blog.francetvinfo.fr/guerre-des-graines

barometredudeveloppementdurable.org

Terre de liens

Pierre Rabhi, la sobriété heureuse, au nom de la terre

https://www.facebook.com/pages/Pierre-Rabhi/148621088294?fref=ts

Patrick Viveret, les dialogues en humanité

https://www.facebook.com/patrick.viveret?fref=ts

les campagnes à la ville

bien sûr il faut une école nouvelle qui s'appuie sur l'initiative des jeunes

je me dis des fois que nous gaspillons une partie de notre énergie à des choses nécessaires et futiles (gagner sa vie, c'est-à-dire la perdre) qui ne nous enthousiasment guère

alors que du changement durable est possible à hauteur d'homme, à proximité, qui donne du bonheur

Jean-Claude Grosse

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Welcome to New York, une bonne critique

8 Juin 2014 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G.

Welcome to New York

Abel Ferrara

J'ai vu ce film il y a déjà quelques jours. Pourquoi ai-je voulu le voir ? Pour me faire mon idée sur cet objet. La polémique entre les producteurs-créateurs-acteurs de la fiction et les protagonistes de la réalité, les critiques très négatives sur le film, cela m'incitait à le regarder. Je n'aime pas trop qu'on me dicte mon jugement.

Mais aussi ce n'est qu'un film et j'aurais pu me dispenser de le regarder. Après tout, j'ai des urgences de pensée plus centrées sur mes désirs du moment, par exemple sur les évidences du temps. Si donc je l'ai regardé, c'est qu'il excitait ma curiosité. Elle n'a pas été déçue. Je pense, contrairement à la réception dominante qu'on a affaire à un film qui restera, (voir une critique sur agoravox, en bas de page) pas du tout un navet, un objet obscène, injurieux. La construction est faussement chronologique, il y a des flash-backs, un monologue intérieur comme un examen lucide sur soi à un moment, un retour en arrière quoi.

Les dialogues, considérés comme indigents, m'ont accroché par leur sècheresse, leur tranchant, leur crudité. On ne tourne pas autour du pot, on est dans le ressenti, pas dans la pensée. On s'affronte à vif, à cru, c'est dur, diffamatoire a-t-on dit.

Les scènes de sexe m'ont paru rabelaisiennes, pas toutes bien sûr, celles du début, joyeuses et pas tristes comme on a dit (la chair est triste, hélas, Mallarmé). Cette manière de prendre de la distance tout en ahanant comme une bête sur une croupe, dans un vagin, en tapotant fesses et seins m'a fait rire. L'acteur dit ne pas aimer l'homme qui prend du plaisir en 6 minutes. En action, l'acteur se moque de son personnage Devereaux. Il baise et rit au fond de lui de ce qu'il nous donne à voir. C'est de la baise caricaturée. Pas évident comme exercice. Mais pour moi, ça a fonctionné. Je ne risque pas de devenir un adepte de ces lècheries de chantilly sur corps de femmes-objets. Les deux flash-backs concernent deux épisodes de séduction car Devereaux-Depardieu est formidablement séducteur. La première séduction se déroule jusqu'à conclusion ; c'est une réussite, une belle histoire d'un moment. La seconde vire à l'agression ratée sur une journaliste. Scène violente. Un même homme, une addiction, des comportements qui changent en fonction de ce qui se présente, en fonction partiellement du consentement ou de la résistance de l'autre. Et il y a la scène de la chambre d'hôtel. Scène violente, assez peu explicite. Que fait Devereaux ? Oblige-t-il l'employée à une fellation ? Il dira qu'il s'est masturbé à hauteur de sa bouche. Il expose sa philosophie de la sexualité au restaurant, à sa fille et à celui qui prétend à elle. La bouillabaisse est une partouze de poissons. Ce n'est pas un crime d'aimer la multiplicité des rencontres et des rapports, peu regardant sur les moyens, étant donné son pouvoir, à la fois de séducteur et d'homme puissant. Comme c'est la dénonciation de l'employée qui conduit à la chute du puissant, les scènes d'explication entre l'épouse, Simone et le coupable sont importantes. Simone est une femme éprise, elle a le sens de la dignité. Elle veut savoir, n'obtient pas ce qu'elle veut, la vérité, met tout de même en œuvre sa fortune pour sortir son mari des griffes de la police et de la justice américaines. Dans ces scènes aux répliques improvisées semble-t-il, ce qui est significatif, on est sensible à leur maladresse, ça va plus loin que ce qu'on veut dire, on blesse, on se blesse, on veut se rapprocher, on se refuse, on fait le point sur les ambitions respectives, la première dame, le futur président. Une évidence, l'homme puissant ne veut pas devenir président, l'homme puissant ne veut pas être sauvé de son addiction. Tant devant le psychiatre qu'avec les journalistes, il est clair, il ne regrette rien, il ne veut pas changer, il veut seulement sortir des griffes américaines et réclame l'aide de Simone, même s'il déteste d'où vient son argent.

La partie concernant l'arrestation, les conditions de détention, le procès, l'abandon des poursuites est traitée rapidement sauf les séquences de la fouille au corps et de la cellule. J'ai trouvé la fouille au corps forte, on est du côté du détenu, l'empathie est forte à ce moment-là et assez souvent dans le film. Le puissant déchu n'est pas malmené par le cinéaste qui ne s'acharne pas sur lui. La preuve en est donnée à la fin avec un personnage ne disant rien après son monologue et nous regardant dans les yeux. Si vous voulez me juger, je vous mets au défi d'essayer. Cette fin est ouverte. Cela me renvoie à l'interview du début où c'est l'acteur Depardieu qui est interviewé, qui ne nomme pas le personnage réel référent. Il nous dit haïr les hommes politiques, ne pas vouloir jouer, il ressent et en même temps rit intérieurement de ce qu'il fait alors même qu'il nous émeut, nous fait rire ou pleurer.

Cette interview met en abyme le film, complexifie sa réception. Ce n'est pas comme le dit le bandeau introductif, à la fois un film s'appuyant sur des choses vues par tout le monde suite à l'énorme médiatisation de l'affaire et une fiction sur en particulier les scènes dans le loft à 60000 dollars par mois. C'est un film sur des corps d'acteurs se saisissant à leur façon de leurs personnages (un Gérard Depardieu, géant, une Jacqueline Bisset, dérangeante), dans une situation de grande crise sous le regard du monde entier, c'est le film d'un réalisateur qui semble comme son acteur renoncer à la maîtrise, qui ne peaufine pas ses scènes, ses dialogues, son montage, ses cuts, un réalisateur qui se moque de sa filmographie, de ses films-culte, un réalisateur de sa chute accompagnant la chute d'un puissant et celle d'un acteur à un moment critique de sa carrière immense.

En clair, ce film restera et deviendra un film-culte par ce qui semble être ses défauts, insuffisances, maladresses, provocations (allez tous vous faire enculer, droit dans nos yeux), énormités, outrances.

Jean-Claude Grosse

remarque en date du 31 décembre 2023 : ce film, jamais sorti en salle, visible seulement en VOD, ne deviendra jamais un film culte, l'affaire Depardieu, déclenchée le 7 décembre 2023 par Complément d'enquête provoquant la chute de l'ogre

je ne corrige en rien ma note du 8 juin 2014 : elle me permet d'évaluer le chemin que j'ai fait, celui qu'il me reste à faire. Je sais ce que je n'ai jamais voulu dans mes histoires d'amour (avec désir préalable). Je sais aussi que je suis peut-être trop facilement empathique avec le pire. Parce que je sais que potentiellement, nous sommes tout, d'innocent à monstre selon deux titres de livres de Depardieu.

Welcome to New York, une bonne critique
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L'État et les banques, les dessous d'un hold up historique

26 Septembre 2012 , Rédigé par grossel Publié dans #agora

L'État et les banques,

les dessous d'un hold-up historique

par Myret Zaki et Etienne Chouard

 

N'est-il pas évident que ces joueurs cyniques que sont devenus les banquiers méritent que leurs pratiques soient jugées d'où la nécessité d'une commission Pecora ayant pouvoir pour poursuivre judiciarement ?

N'est-il pas évident qu'il faille annuler toute la dette liée à ces pratiques, la dette honteuse liée aux pratiques d'usuriers des banquiers ?

N'est-il pas évident qu'il faille séparer banques d'affaires et banques de dépôts ?

N'est-il pas évident que l'État doit retrouver sa souveraineté monétaire ?

 

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Comprendre notre dette

6 Décembre 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #agora

 

on trouvera sur ce blog nombre d'articles sur la dette permettant de ne pas être pris pour des gogos par tous les hommes politiques au service de tous les financiers

il ne faudra pas se plaindre dans quelques semaines ou quelques mois quand les tempêtes naturelles et humaines enfonceront nos portes et videront nos portefeuilles.


Je viens de recevoir Envol, mensuel de la Fédération des œuvres laïques de l'Ardèche (décembre 2011), qui continue son remarquable travail de conscientisation citoyenne, comme on dit, mais ici le mot "citoyen" a son plein sens.
J'y ai trouvé, entre autres, un long mais clair et pertinent article sur la dette publique, signé Jean-Marc Gardès.
Pour nous en tenir seulement aux mécanismes de financement de la dette, j'en extrais rapidement ces données que tout citoyen devrait connaître. Mais il est vrai que du côté du pouvoir et des médias à la solde du capital, ces données sont constamment déformées, brouillées, occultées, afin de justifier la politique d'austérité et les énormes cadeaux faits au capital.
 
- "Jusque dans les années 1970, l'État finançait son déficit essentiellement par des fonds que lui procurait la Banque de France ; ceci, à des taux faibles, voire nuls. Le recours aux banques et institutions financières était réservé aux investissements de l'État (constructions d'écoles, infrastrutures...) et les titres de ces emprunts émis à taux fixes, ne pouvaient servir à la spéculation."
- Le processus de soumission de l'État français aux marchés financiers va commencer à partir de la décision américaine de supprimer la parité entre le dollar et l'or.
- La loi Pompidou (Rotschild) - Giscard du 3 janvier 1973, modifiant les statuts de la Banque de France, interdit à l'État l'accès direct à la création monétaire de la Banque de France et l'oblige à emprunter auprès des banques privées.
- L'article 104 du traité de Maastricht interdit toute possibilité pour l'État de faire appel à la Banque de France ; le traité impose les fameux critères de convergence (déficit public inférieur à 3% du P.I.B et dette publique inférieure à 60% du P.I.B). Il est vraiment intéressant de voir qui a appelé à approuver ce traité, ratifié de justesse par référendum en 1992,
- L'article 123 du traité de Lisbonne (2008) reprend cet article 104, ainsi qu'une disposition du traité de Constitution européenne (rejeté par le peuple français en 2005), interdisant à la Banque Centrale Européenne d'accorder tout crédit aux États et administrations publiques.
 
Ainsi, privé de financement auprès de la Banque de France et de la Banque Centrale Européenne, les états ne peuvent qu'emprunter auprès des "marchés financiers" et des banques privées, qui fixent leurs taux d'intérêt en fonction des notes attribuées aux états par les agences de notation !
Le déficit public est dorénavant uniquement financé par la dette (les emprunts faits par l'État auprès des banques privées et "marchés financiers", friands des lourds intérêts inhérents à ces opérations).
Paradoxe (apparent) des paradoxes, les "marchés financiers" et banques privées prêtent à l'État à un taux bien plus élevé que celui que leur accorde la Banque Centrale Européenne, auprès de laquelle ils empruntent ce qu'ils vont ensuite prêter à l'État !
 
Merci à ENVOL pour cet indispensable travail d'information !
 
On attend toujours l'autocritique des politiques, ceux de l'actuelle majorité comme ceux de l'actuelle opposition, qui ont appuyé la ratification du traité de Maastricht, qui ont approuvé le projet de constitution européenne et qui ont accepté la ratification du traité de Lisbonne. C'est bien pourtant à cette aune que l'on devrait juger de leur aptitude à affronter la crise actuelle, en ayant le courage de reconsidérer leurs engagements mortifères.

 

René Merle

 

Dette publique et "loi Rothschild" : la cécité volontaire des médias

C'est le point aveugle du débat : la dette publique est une escroquerie ! En cause, la loi Pompidou-Giscard de 1973 sur la Banque de France, dite "loi Rothschild", du nom de la banque dont était issu le président français, étendue et confortée ensuite au niveau de l'Union européenne par les traités de Maastricht (article 104) et Lisbonne (article 123).

D'une seule phrase découle l'absolue spoliation dont sont victimes 99% de la population : "Le Trésor public ne peut être présentateur de ses propres effets à l’escompte de la banque de France".

En clair et pour faire simple, la Banque de France a désormais interdiction de faire crédit à l’État, le condamnant à se financer en empruntant, contre intérêts, aux banques privées, au lieu de continuer à emprunter sans intérêt auprès de la banque de France qui lui appartient. Depuis l'application de ce principe, la finance et son infime oligarchie donnent la pleine mesure de leur asservissement des peuples, en une spirale exponentielle d'accroissement des inégalités.

Le pouvoir est désormais aux mains des créanciers privés, qui l'exercent au bénéfice exclusif d'intérêts particuliers, quand la puissance publique a renoncé à son devoir de protéger l'intérêt général. La démocratie, étymologiquement pouvoir du peuple, est morte. On le voit en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Italie, en France...

Qui gouverne ? "La troïka" - Union européenne, Fonds monétaire international et Banque centrale européenne - resserrant toujours davantage son emprise jusqu'à l'étranglement des peuples. Et l'on pérore sans fin sur les plateaux de télévisions, sur les ondes et dans les colonnes de la presse sur "l'insupportable fardeau de la dette", "la France en faillite", "les nécessaires sacrifices", que "nous ne pouvons pas continuer à vivre au-dessus de nos moyens" et que, d'ailleurs, "les Français l'ont compris".

Silence médiatique

Inlassable propagande des conservateurs-libéraux ? Bien sûr, mais relayée par le silence complice des médias. Et c'est ainsi que s'imposent dans l'opinion les apparentes évidences biaisées qui prétendent l'austérité inéluctable, contre la justice et l'intelligence. Deux ans d'austérité en Grèce déjà, pour quel résultat ?

Avec toujours la même justification simpliste et manipulatrice, résumée par la question posée par un journaliste d'Europe 1 à Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à la présidentielle : "Mais comment des pays européens endettés peuvent-ils faire autrement pour réduire leurs déficits ?"

Un graphique pour illustrer le propos, qui montre l'hallucinante évolution de la courbe de la dette publique.

 

dette-france-52908.jpg

 

 

"Ainsi, entre 1980 et 2008, la dette a augmenté de 1088 milliards d’euros et nous avons payé 1306 milliards d’euros d’intérêts", résume Mai68.org. Faisons la soustraction : sans les intérêts illégitimes encaissés par les banksters financiers privés, la dette publique française se serait élevée, fin 2008, à 21,4 milliards d'euros - au lieu de 1327,1 milliards ! Un escroc peut-il rêver pareil butin ? Et personne ne dénonce jamais ce scandale absolu ! A part Mélenchon et l'extrême droite - qui ne le fait que par opportunisme, étant entendu qu'elle a toujours été au service zélé du capitalisme libéral et ne remettra donc jamais en cause son empire...

Mais les éminents confrères ? Les Calvi, Barbier, Demorand, Joffrin, Aphatie, Bourdin, Pujadas ou qui savons-nous encore ? Ceci ressemble bien à une omerta. Et à une honteuse trahison de leur mission d'informer.

 


 

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Gene Sharp/De la dictature à la démocratie

17 Mars 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #agora

Le gourou des révolutions arabes
biblioObs, Le Nouvel Obs [16/03/2011]
Avec un petit bouquin de 130 pages, Gene Sharp, ancien professeur à Harvard, a inspiré bon nombre d'insurrections pacifiques, d'Ukraine en Birmanie. Il serait aujourd'hui le théoricien des soulèvements arabes.

 

Gene Sharp, auteur de "De la dictature à la démocratie", l'ouvrage qui a inspiré les révolutions arabes. (Sipa)  
Gene Sharp, auteur de "De la dictature à la démocratie",
l'ouvrage qui a inspiré les révolutions arabes. (Sipa)

 

On raconte que les photocopies d’un livre circulaient sur la place Tahrir du Caire, pendant le grand sitting où la foule enjoignait Moubarak de dégager. Il s’agissait de «De la dictature à la démocratie», de l’Américain Gene Sharp. Le vieux prof de Harvard, aujourd’hui retraité, explique qu’il s’agit plus d’un «livret» que d’un livre. Il fait tout de même 137 pages. Les universitaires, déformation professionnelle, surestiment souvent les capacités de lecture des hommes du commun.

 

Cent trente-sept pages pour dire quoi? «De la dictature à la démocratie» se présente comme un manuel de révolution non-violente. Les chapitres s’intitulent «Faire face avec réalisme aux dictatures», «les Dangers de la négociation», «l’Application de la défiance politique» ou «Désintégrer la dictature». Ils composent un exposé méthodique et systématique de la marche à suivre pour piétiner un tyran, du premier rassemblement insurrectionnel improvisé à la rédaction d’une nouvelle constitution.

 

Gene Sharp puise autant ses sources dans l’histoire que dans les livres. Il cite Aristophane, Aristote, Machiavel, jusqu’au très pointu Karl Deutsch, qui utilisa les modèles cybernétiques pour théoriser les sciences sociales. On trouve un sage chinois, aussi: la fable du «Maître Singe», contée par Liu-Ji au XIVème siècle, qui montre une horde de singes cessant d’aller cueillir des fruits pour le compte d’un vieux tyran. Sharp dresse des typologies d’actions non-violentes, distinguant les «méthodes de protestation et de persuasion» (il y en a 54, parmi lesquelles on notera les «prix satiriques», les «gestes grossiers», les «fausses funérailles» ou les «visites récurrentes à un fonctionnaire») des «méthodes de non-coopération» (il en dénombre 107; on retiendra la «grève du sexe»).

Sur la place Tahrir (Sipa)
Sur la place Tahrir, au Caire, en janvier dernier. (Sipa)

 

Il y a aussi les méthodes d’intervention, mais les révolutionnaires que ça intéresse auront plus vite fait de se reporter directement à la source. Précisons toutefois qu'on lit «De la dictature à la démocratie» comme on regarde une émission de cuisine: ça a l’air si simple, et on sait pourtant que tout posera problème au moment de la mise en œuvre. Lorsque Gene Sharp énumère par exemple les faiblesses d’un régime dictatorial, on se demande comment tant de despotes ont pu prospérer sur des bases aussi friables.

 

Tout cela étant dit, ce «livret» a-t-il vraiment servi de livre de chevet aux artisans du Printemps arabe, qui s’est déroulé en hiver? Beaucoup d’éléments le laissent penser. Le symbole adopté par les révolutionnaires égyptiens, le désormais fameux poing dressé, est repris de celui du mouvement Otpor, qui avait favorisé la chute de Milosevic en Serbie. Or Otpor était plus que directement inspiré par les écrits de Gene Sharp. Le jeune leader du soulèvement cairote, Ahmed Maher, a pris l’habitude de se reporter à «De la dictature à la démocratie». On notera aussi que les Frères musulmans le proposaient sur leurs différents sites internet depuis 2005.

Un chien nommé Cesar

Aujourd’hui, depuis sa maison de Boston, d’où il ne sort que très peu, Gene Sharp se dit «fier» de voir ses travaux influencer ce qui semble être un réveil démocratique du monde arabe. Il se montre néanmoins réservé quant aux chances de succès de la révolte libyenne: «Ils veulent renverser la dictature par les armes, mais c’est là que la dictature est la plus forte, déclarait-il récemment à nos confrères suisses de la TSR. Ils ont été inspirés par les autres pays arabes, mais ils n’ont pas la bonne méthode, et ils risquent fort d’échouer.» Les récents événements, à l’heure où le soulèvement se mue en guerre civile, semblent lui donner raison.

 

Sipa

 

Gene Sharp avait été pressenti pour recevoir le prix Nobel de la paix en 2009. La distinction était allée à Barack Obama, qui en tant que chef des forces armées américaines est forcément moins désigné pour devenir un héros de la non-violence. Les deux hommes partagent les mêmes ennemis: l’Iran, où Sharp était en 2008 désigné à la population comme un agent de la CIA par la propagande du régime; Hugo Chavez, qui l’accusait pour sa part d’encourager un coup d’Etat au Venezuela – Sharp lui avait alors conseillé la lecture d’un autre de ses livres, «l’Anti-Coup d’Etat».

 

Ce pousse-à-la résistance passive, qui est lu au Zimbabwe, en Birmanie ou en Russie, est pourtant un paisible vieillard, célibataire et sans enfant, qui vit quasiment reclus avec sa jeune assistante (fort jolie). Il cultive des orchidées, comme beaucoup de vieux rêveurs. Il gagatise avec son gros chien noir, qu’il a appelé… Cesar. Né en 1928, il est le fils d’un pasteur itinérant, ce qui explique sans doute qu’il n’aime pas voyager. Dans les années 1950, le jeune Gene, étudiant en sociologie à l’Ohio State University, refuse d’être enrôler en Corée. Il passe neuf mois en prison. Il développe une passion pour Gandhi, qui deviendra le principal sujet de ses recherches.

Barbouze à la cool

C'est pourtant le nom d'Albert Einstein, autre grand apôtre de la non-violence, qu’il donne à la fondation qu’il crée en 1983. Son cours intéresse alors un certain Robert Helvey, vétéran du Vietnam et attaché militaire à l’ambassade américaine de Rangoon. Helvey découvre que le refus du conflit armé n’est pas qu’une manie de «hippies à cheveux long», comme il le confie au «Wall Street Journal».

 

Le rôle de Robert Helvey est crucial: trois ans plus tard, converti à la doctrine de Gene Sharp, il a pris sa retraite, et enseigne la résistance pacifique à des guérilleros dans la jungle birmane. Il finit par convaincre son mentor de le rejoindre. Gene Sharp entre clandestinement en Birmanie par bateau, en 1992. Jusqu’à présent, ses publications sont très théoriques, et sans doute trop épaisses pour des soldats. On lui demande d’en écrire une version plus courte, et tirant plus vers le manuel. C’est ainsi que sort en 1993 «De la dictature à la démocratie».

 

Quatre ans plus tard, des copies de l’ouvrage circulent un peu partout dans les Balkans. Un groupuscule nommé «Initiative civique» le traduit et le diffuse. Il arrive entre les mains du fameux groupe Otpor, qui reçoit en plus la visite de… Robert Helvey, le barbouze sans arme qui leur donne des cours de révolution à la cool. L’activisme minutieux d’Otpor contribuera fortement au départ de Milosevic, en 2000. La carrière du livre de Gene Sharp est lancée. Les conseils qu’il dispense sont suivis à la lettre: l’universitaire préconise-t-il, au détour d’un paragraphe, qu’un mouvement démocratique soit immédiatement identifiable par une couleur? La révolution orange renverse le pouvoir en Ukraine et dérègle la balance chromatique des journaux télévisés du monde entier.


A Kiev, pendant la révolution orange. (Sipa)

 

On reprochera sans doute à Gene Sharp d’être plus un activiste qu’un penseur. Il montre en effet, dans son livre, une foi de charbonnier vis-à-vis de la démocratie, concept qu’il ne s’attache jamais vraiment à définir. Il ne semble pas être préoccupé par l’occidento-centrisme évident de sa philosophie politique. Il a une fâcheuse tendance à ignorer les limites des changements de pouvoir trop brutaux. Le «régime orange» ukrainien a ainsi fini fait preuve, avec une rapidité ébouriffante, d'un clientélisme, d'un arbitraire et d'une corruption comparables, sinon similaires, à ceux de son prédécesseur despotique. Et il paraît certain que l’avenir de la plupart des pays arabes qui se soulèvent en ce moment ne sera pas aussi fleuri qu’un bouquet de jasmin.

David Caviglioli

 

Jaric Complément d'infos

Vous ne parlez pas des livres de Gene Sharp traduits en français. En voici les références :
- "La guerre civilisée - La défense par actions civiles", aux PUG, Presses Universitaires de Grenoble 1995.
- Trois livrets parus en 2009 : "La force sans la violence", "De la dictature à la démocratie", "L'anti-coup d'Etat", publiés avec l'aide de l'Université de Grenoble et l'éditeur L'Harmattan - Paris.
- Prochainement sera publié en Français la traduction de "Waging Nonviolence Struggle" qui est la synthèse des recherches de Sharp.
Sur le même sujet :"La guerre par actions civiles - Identité d'une stratégie de défense" de Jean Marichez - La documentation française.

Il faut ajouter que "De la dictature à la démocratie" est, malgré les apparences d'américanisme que vous notez, une formidable leçon de stratégie, digne des plus grands stratèges de l'Histoire.

Je connais très bien Sharp. S'il a été activiste dans sa jeunesse, il ne l'est plus depuis longtemps et reste centré sur la
recherche.

 

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La route vers le Nouveau Désordre Mondial/Peter Dale Scott

9 Mars 2011 , Rédigé par grossel Publié dans #agora

Recension 4 étoiles d’un général 5 étoiles pour le livre de Peter Dale SCOTT « La route vers le Nouveau Désordre Mondial »

Grande première en France : un haut gradé de l’armée, le général 5 étoiles Bernard  Norlain publie dans la Revue Défense Nationale un article extrêmement élogieux sur le dernier livre de Peter Dale Scott "La Route vers le Nouveau Désordre mondial". Il s’agit d’un véritable pavé dans la marre hexagonale, puisque dans l’ensemble les médias français sont restés incroyablement silencieux sur cet ouvrage. La "grande muette" serait-elle finalement plus prolixe que nos journalistes ?

ReOpen911 publie ici l’intégralité de cette recension, en souhaitant qu’elle éveille l’intérêt de nos lecteurs, voire des journalistes envers un livre qui fait la lumière sur la façon dont les Etats-Unis ont été entraînés dans leurs deux derniers conflits ! Alors que le débat sur le maintien de la présence des troupes françaises en Afghanistan n’a toujours pas eu lieu malgré le désaccord de presque 70% des Français, la visibilité que donne M. Norlain à cet ouvrage constitue un véritable espoir pour tous ceux qui luttent pacifiquement contre les guerres illégales et le réarmement global qui ont cours depuis le 11 septembre 2001.

 

Recension 4 étoiles d’un général 5 étoiles pour le livre de Peter Dale SCOTT

par le général Bernard Norlain, dans la Revue Défense Nationale, N°738, du mois de mars 2011

M. Bernard Norlain est devenu général d’armée aérienne (5 étoiles) en 1990. Pilote de chasse de formation (totalisant 6 000 heures de vol), il a commandé la formation des élèves officiers de l’armée de l’Air, puis à partir de 1984, le centre d’expériences aériennes militaires et la Base aérienne 118 Mont-de-Marsan.
De 1986 à 1989, il fut chef du cabinet militaire du Premier ministre Jacques Chirac, puis de Michel Rocard. De 1994 à 96, il fut le directeur de IHEDN (l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale), un établissement public administratif français d’expertise et de sensibilisation en matière de défense, placé sous la tutelle du Premier ministre
. En 1999, M. Federico Mayor, le directeur général de l’UNESCO, lui décerne la médaille d’or Mahatma Gandhi en reconnaissance de son rôle éminent en faveur de la prévention des conflits et de la promotion d’une culture de paix. La même année, il préface le rapport Cometa (sur les OVNIS), étude à laquelle participent de nombreux militaires et scientifiques.
Membre de l’organisation internationale Global Zero Initiative, il a cosigné, le 15 octobre 2009, avec Michel Rocard, Alain Juppé et Alain Richard, une tribune dans le quotidien Le Monde pour plaider en faveur du désarmement nucléaire. Depuis juillet 2008, il est le directeur de la Revue Défense Nationale.
Distinctions : Commandeur de la Légion d’honneur ; Commandeur de l’Ordre national du Mérite ; Médaille de l’Aéronautique.
(Sources Wikipédia)

Voilà un livre passionnant, décapant, on pourrait dire terrifiant, en ce qu’il dévoile au lecteur pourtant averti les dérives et les pratiques mafieuses d’une démocratie emblématique, miroir de nos sociétés.

La thèse de l’auteur est, en gros, que la perte progressive de contrôle sur les décisions politiques majeures aux États-Unis a fait que le pouvoir a été confisqué de façon occulte, non démocratique, par des groupes de pression et que cette situation a totalement perverti le système politique américain et a notamment conduit au drame du 11-Septembre.

L’immense mérite de cet ouvrage est de s’appuyer sur un appareil de notes et de références, une bibliographie — près de 150 pages au total — très complètes et variées qui viennent étayer pas à pas la démonstration de l’auteur.

Partant d’une réflexion sur les États-Unis où les inégalités sociales, la faiblesse de la société civile au niveau fédéral, la puissance des intérêts particuliers, l’auteur, qui n’est pas particulièrement un néoconservateur, mais plutôt un libéral, tendance gauche, dresse un tableau saisissant de ce qu’il appelle l’État profond et de son processus historique où les pouvoirs secrets verticaux se sont emparés de la conduite de l’action publique, et où la prise de décision politique à huis clos accorde la priorité à la sécurité et à la préservation d’intérêts privés particulièrement ceux des exportateurs d’armements et des firmes pétrolières.

Son analyse est particulièrement pertinente et convaincante dans sa description de la politique du trio Nixon-Kissinger-Rockefeller, censée contrer les progressistes et qui a conduit à renforcer les mouvements réactionnaires islamistes, mais aussi à soutenir les intérêts des pétroliers. Il met en évidence le rôle de Nixon ou plutôt sa paranoïa dans la dégradation du processus bureaucratique et démocratique de mise en œuvre de la politique et dans l’amplification du pouvoir secret. En passant il faut noter une analyse intéressante du Watergate.

À ce stade apparaît le couple diabolique, aux yeux de l’auteur, Cheney-Rumsfeld et son implication dans la planification du projet ultrasecret de Continuité du Gouvernement (COG) qui cacherait, selon l’auteur, un programme de prise de pouvoir illégal et dont il traite longuement à propos du déroulement des événements du 11-Septembre pour expliquer certaines incohérences dans la version officielle. Il continue sa démonstration avec Ford-Rumsfeld-Cheney, le virage vers le conservatisme et le début de l’envol des budgets de défense. On parle de la BCCI. Puis l’ère Carter-Brzezinski et l’Irangate. Enfin Reagan, Bush et le triomphe des néocons et du couple Cheney-Rumsfeld. Comment ils ont préparé le renversement de Saddam Hussein et comment ils doivent être considérés comme suspects dans le procès des responsables du 11-Septembre.

En conclusion ce livre démêle les intrigues et l’écheveau d’imbrications et de liens, souvent occultes, entre tous les acteurs de ce théâtre d’ombres. On y parle beaucoup de la CIA, en particulier de la collusion historique entre la CIA et l’ISI pour le soutien à l’islamisme dur et aux trafiquants de drogue. Il décrit le long cheminement vers le 11/9. Plus largement ce livre critique le projet américain de domination mondiale, s’appuyant sur une machine de guerre hors de contrôle, et dont la recherche d’ordre et de sécurité produit un désordre et une insécurité accrue. Il s’agit de comprendre comment nous sommes arrivés au désastre du nouveau désordre mondial.

Vous l’aurez compris ce livre est passionnant, particulièrement en ces temps de Wikileaks. Mais le lecteur armé de son sens critique ne manquera pas de relever le caractère partisan de cet ouvrage ; ce qui fait son charme, mais ce qui peut gêner surtout quand la thèse du complot émerge ici ou là.

À ces restrictions près, cet ouvrage étonne par son originalité et sa puissance d’analyse. Il devrait être un ouvrage de référence pour tous les défenseurs de l’État de droit et pour tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de nos démocraties.

Bernard Norlain
 

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Pédagogie de compétition pour société de marché

8 Avril 2010 , Rédigé par grossel Publié dans #L.C.

Pédagogie de compétition
pour société de marché ?


Si on pense qu’apprendre est une obligation morale qui fait devoir de travailler à l’école, on aboutit logiquement à considérer l’échec scolaire comme la conséquence d’un défaut moral et, à la rigueur, d’une défaillance intellectuelle, dont l’individu porte, seul, la responsabilité. Si on pense qu’apprendre est une nécessité sociale et acquérir des savoirs scolaires, un droit, on considérera l’échec comme un dysfonctionnement scolaire, facteur d’injustice à réparer collectivement. La première théorie, séduisante et dominante dans l’opinion française, induit un modèle d’enseignement « individualiste », magistral, classique et traditionnel, majoritaire. La deuxième théorie, peu attractive, peu partagée et peu connue, produit un modèle d’enseignement « socialiste », pédagogique et innovant, minoritaire. Chaque maitre, comme chaque profane, peut se situer dans l’un des deux sous-ensembles. Pour penser la deuxième théorie, il faut la choisir délibérément. Pour la première, il suffit de se laisser porter sans résister, poussé par la foule, comme un esquif, sur le flot de la doxa. Pour atteindre la deuxième, il faut nager, comme un saumon, à contre-courant des idées reçues, en rare compagnie.

On ne peut exercer le métier selon une approche pédagogique qui place l’enfant au centre, sans l’avoir voulu avec détermination, en résistance et en rupture avec l’idéologie dominante. Or, l’offre pédagogique n’est pas visible. Les pratiques et les théories pédagogiques ne sont disponibles, ni dans la panoplie des outils didactiques commerciaux, ni dans le registre institutionnel de l’offre de formation professionnelle. Il faut donc se risquer, chercher, tâtonner, se tromper, corriger, innover, seul dans sa classe et, hors de la classe, se rapprocher de mouvements pédagogiques, mal connus, parfois contre la mauvaise réputation que leur fait la rumeur et malgré l’hostilité que leur manifestent les penseurs de l’enseignement « reconnus ». On peut donc traverser une carrière entière sans en avoir eu vent. Car, pour apprendre le métier en conformité avec la pensée dominante et en concordance avec la tradition, à l’abri du risque pédagogique, il suffit, quand on débute, d’observer autour de soi « ce qui se fait », d’écouter les aphorismes des anciens, de ceux qui ont de la bouteille, qui, autrefois débutants, avaient appris le métier de leurs anciens, qui l’avaient, eux-mêmes, appris… On peut aussi se référer aux méthodes des maitres qui nous ont éduqués pendant notre propre scolarité. La boucle est automatiquement fermée par transmission orale et contagion de croyances, par promiscuité.

Le maitre traditionnel :

Il est soumis à des contraintes institutionnelles historiques, spécifiques, qui n’existent pas hors de l’école. Elles lui sont « livrées » par la  tradition. Entre autres, il respecte des normes morales qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Dans sa classe, apprendre est un devoir, ne pas apprendre est une faute ou une défaillance. Il doit exhorter, « stimuler » par de mauvaises notes, houspiller et menacer les élèves négligents ou rétifs, pour qu’ils apprennent leurs leçons.

Son souci historique de départ : contrôler et modérer l’effervescence des rentrées de classe ; asseoir son autorité en repérant les leaders qui risqueraient d’entrainer le groupe dans l’indiscipline ; gagner la confiance inconditionnelle des élèves ; installer une discipline rigoureuse par des mises en garde, des règles de vie déjà libellées, annoncées dès le premier jour, avec présentation de l’arsenal des sanctions, récompenses-punitions, qui accompagneront les notes ; faire planer la menace du redoublement sur la tête de ceux qui ne seraient pas assez attentifs, disciplinés, appliqués et travailleurs. 1

En bref,

1-rappeler aux élèves que chacun obtiendra, par son seul mérite, dans un labeur solitaire, de bons résultats et les récompenses qui vont avec,

2-en même temps que la « conduite », moraliser aussi les conduites d’apprentissage.
Son souci historique à long terme : asseoir sa réputation professionnelle sur sa diligence à respecter la tradition et sur sa loyauté envers elle, à savoir, créer dans la classe, au quotidien, les comportements et le climat studieux des examens et concours ; réunir les conditions matérielles et morales d’une compétition interindividuelle impartiale, où chacun aurait sa chance, afin que le meilleur gagne (interdiction d’échanger et de copier ; ne devoir « sa note » qu’à soi-même ; apprendre seul ; faire peu, même faux, mais tout seul) ; contrôler la conformité ; persuader chacun que la mutualité est un défaut ; boucler le programme afin d’être en règle avec ses obligations institutionnelles et les attentes supposées ou fantasmées de « l’inspecteur » ; fournir au collègue du niveau supérieur, qui accueillera les élèves dans un an, un bon pourcentage de bons élèves.

Le maitre pédagogue :

Il se donne des objectifs éducatifs universels, pensés et analysés, non scolaires, valables partout. Dans sa classe, apprendre est un droit, ne pas apprendre est une injustice sociale. Il lui faut faire en sorte de donner à tous les moyens de s’instruire, de trouver pour chacun le chemin de la connaissance.

Son souci original de départ : travailler, dès les premiers jours de classe, avec des élèves actifs, interactifs et autonomes ; les déranger dans leurs postures habituelles d’attente et de soumission aux décisions de l’adulte ; leur donner le sens de l’initiative, de la solidarité entre pairs, du projet personnel et collectif ; faire émerger un sentiment d’appartenance sociale.

Son souci innovant à long terme : apprendre à vivre ensemble, créer une dynamique d’élaboration collective de la vie quotidienne, d’organisation du travail en classe et de construction des savoirs, un système socialisant de cogestion élèves-maitre ; faire acquérir par chacun, en collectivité, le sens social, le sens critique, le sens du partage et l’empathie. En bref, pour apprendre ensemble, créer une microsociété, organisée sur un modèle coopératif, une petite entreprise de production et de consommation des savoirs élaborés et acquis en groupe ; apprendre à penser par soi-même, à ne pas faire confiance à tout ce qu’on entend, même si c’est dans la bouche du maitre.

Les objectifs éducatifs et la finalité sociale des deux théories, conscientes ou inconscientes, sont si contradictoires qu’aucun moyen terme, ni rencontre n’est possible. Beaucoup de traditionnels aiment leur métier et l’enfance, développent des relations de confiance et de respect, voire d’amitié, sur le plan interindividuel, maitre-élève. Cette qualité de la relation peut passer pour une pédagogie éducative. Quand les élèves ont de mauvaises notes, les bons maitres traditionnels les consolent, charitablement : « les notes, c’est pas important, il faut travailler pour toi, pas pour la note ! si tu continues tes efforts, la prochaine fois, tu en auras une bonne...», comme le prêtre absout le pécheur et l’exhorte dans la voie du salut. Mais leur pédagogie s’arrête à la compassion. Elle ne va pas jusqu’à renoncer à la notation, renoncement qui signerait le reniement de l’orthodoxie, le sacrilège de la liturgie et des sacrements scolaires. 2
Ce sont bien deux métiers différents et incompatibles. On ne peut être enseignant à dominante traditionnelle avec un peu de pédagogie, ou pédagogue convaincu avec un peu d’enseignement traditionnel, sans déclencher un conflit avec soi-même. 

Les premiers arbitrent
, en juges impartiaux et souverains, un concours scolaire blanc permanent, en guise de préparation et d’entrainement. Dans le viseur du programme éducatif, ils pointent les futurs examens et la compétition économique et sociale entre individus, adultes, mais gouvernés par des politiques, qui les considèreront comme les enfants dépendants d’un pouvoir tout-puissant : chacun pour soi, que le meilleur gagne ! Ce sont de loyaux serviteurs de l’état, parfois syndiqués, souvent électeurs de gauche, qui ne mettent jamais l’institution scolaire en question, même pendant une grève. La liturgie, les faire-semblant, la compétition entre pairs, avec récompenses, punitions et carnets de notes de la pédagogie traditionnelle, leur conviennent. Volontairement et en toute bonne conscience, pour quelques-uns, involontairement et sans le savoir, pour la majorité, ils apprennent aux enfants les vertus d’une pensée conforme qui ne pose pas de question à l’idéologie. Ils les préparent à vivre, en consommateurs fidélisés, « récompensés », tenus en laisse par la publicité télévisée, dans une société de marché, de compétition et de lutte de classes, une société qui exploite et humilie les classes inférieures, broie les individus les plus vulnérables et garantit aux plus favorisés le maintien de leurs privilèges. Pour fonder ces pratiques, pour en justifier la finalité, ils n’ont pas besoin d’un questionnement et d’une théorie. La tradition qui leur fait faire ce qui se fait partout, depuis toujours, suffit.

Les seconds éduquent
à la citoyenneté active pour une société démocratique et solidaire : un pour tous, tous pour un ! Ils ont rompu avec l’apprentissage scolaire passif, la pédagogie compétitive traditionnelle et l’idéologie dominante. Ce sont des serviteurs de l’enfance, pour ce qu’elle porte en germe, la société de demain, promoteurs d’une vraie vie sociale en classe, structurée par les échanges, l’entraide, la collaboration et le débat démocratique. Ce sont des chercheurs perpétuels, en quête de pratiques innovantes et concordantes avec leur éthique morale et sociale, qu’ils n’adoptent jamais sans examen. Quand leurs collègues conduisent les élèves vers la réussite aux examens, chacun pour soi, eux, ils guident et accompagnent les leurs dans la construction de savoir sociaux à partager. Sans attendre un monde meilleur, ils introduisent en avant-première, dans l’école, un modèle social idéal qui n’existe pas encore dans la société des adultes. A savoir, la mise en œuvre du triptyque des fondements de la république, liberté, égalité, fraternité. Considérant que la démocratie n’est pas définitivement donnée, ni achevée, ils la construisent et l’améliorent, dès l’école. Ils la consolident et la préservent. Ce ne sont pas des surdoués, génétiquement dotés de qualités personnelles, intellectuelles ou morales, supérieures. Ils ne sont pas meilleurs, ils sont différents. Ils n’ont pas reçu en naissant des talents professionnels exceptionnels. Ce sont surtout de « libres penseurs » non conformistes, des « incroyants » refusant idées reçues, vérités révélées et avérées. Ils ne se lancent pas dans une pratique, si répandue soit-elle, les yeux fermés, simplement parce que la corporation et l’opinion l’approuvent. Ils interrogent la théorie qui s’y blottit discrètement.

Leurs paradigmes étant contradictoires, les deux ne peuvent ni collaborer dans le temps, ni se rencontrer sur l’agora pour débattre. On ne peut comparer leurs résultats respectifs, puisqu’ils ne poursuivent pas le même but. On peut seulement les questionner. Pour préparer de futurs demandeurs d’emploi à vivre dans un monde impitoyable, vaut-il mieux les former ou les conformer ? 3 Lequel des deux modèles arme-t-il le mieux les individus pour « réussir sa vie » ou pour subir les outrages du productivisme industriel, du harcèlement moral et du licenciement économique, sans sombrer dans la dépression ? Interroger le passé scolaire des employés de France Telecom qui se défénestrent et des spéculateurs qui ont déclenché le crash boursier de 2009, nous apporterait peut-être un début de réponse. 4

Laurent CARLE (février 2010)

1-  A propos de ce qui « motive » : Bâton, carotte et motivation
recompense-et-motivation
 2- La notation est la religion de l’école.
« Dis, donc… C’est à l’école que tu apprends ces vilaines  manières ? » Charles Pepinster
http://www.meirieu.com/FORUM/Disdonc_pepinster.pdf
 3- Extrait d’un blog sur la « récompense » : Maintenant... elle me paraît en même temps une bonne manière d'armer (...un peu plus...) les élèves au monde futur qu'ils devront intégrer une fois les diplômes (enfin je l'espère) obtenus : dans ce monde là (... le monde du travail, enfin je l'espère), la récompense est monnaie courante ! Ils sont nombreux, les salariés qui vivent cela difficilement, parce qu'ils n'y ont pas été rodés ! Alors, pourquoi ne pas s'y entraîner AVANT ?
 4- Un enfant en situation d’apprentissage est un chercheur. Il devrait bénéficier des mêmes conditions psychologiques et sociales qu’un chercheur en laboratoire : droit à l’erreur,  travail en équipe, entraide, solidarité et coopération entre pairs. Pour mieux comprendre la nocivité du système récompenses-punitions, on devrait aussi interroger le passé et le présent de chercheurs réputés, aujourd’hui maitres en excellence scientifique :
ces-chercheurs-qui-refusent-des-primes-de-milliers-deuros-

Alphan Manas:
Semaine du 25/03/10 NouvelObs
Notation : une absurde loterie

Voilà un siècle et demi qu'on évalue les élèves de façon inefficace et arbitraire. Mais il ne faut surtout pas le dire.

Les notes sont injustes. Flanquées à la tête du client, selon l'humeur du capitaine ou la vitesse du vent. Mauvaise excuse de potache ? Pas du tout. Conclusion de nombreux chercheurs. Et cela ne date pas d'aujourd'hui : «Dès les années 1920, les docimologues ont mis en évidence le manque de fiabilité des notes, leur caractère souvent arbitraire», dit Sylvène Kitabgi, qui vient de réaliser une étude sur cette question pour la chambre de commerce de Paris ( (1)). Même s'ils ont à coeur d'être impartiaux, les enseignants sont, à leur insu, influencés par toutes sortes de choses. Le niveau de la classe, le sexe de l'élève, son origine sociale ou encore... l'ordre de correction des copies. Sans parler de l'effet bien connu du niveau de l'établissement. Les plus élitistes mettant un point d'honneur à être particulièrement secs. C'est si vrai qu'à Paris le rectorat « pondère » selon les collèges les notes prises en compte pour affecter les élèves dans tel ou tel lycée...
« Ces biais ont été démontrés par des études scientifiques très sérieuses, mais on fait toujours comme s'ils n'existaient pas ! On ne change rien au système », constate la spécialiste. Bruno Suchaut, directeur de l'Institut de Recherche sur l'Education, confirme : «Cette façon d'évaluer les connaissances des élèves est aléatoire et biaisée de multiples façons. Les spécialistes le savent depuis longtemps, mais pas le grand public. Cela reste tabou. » Ce chercheur parle d'expérience. En 2008, il met discrètement en ligne une étude intitulée : la loterie des notes au bac. Celle-ci montre qu'une même copie du bac soumise à trente correcteurs peut voir son score varier de dix points. Et elle fait aussitôt scandale. «J'ai été très surpris ! dit son auteur. Il s'agissait juste d'une illustration très banale de faits déjà mis en évidence par de nombreux travaux. » Notamment une étude qui remonte à 1962 et qui concluait que, pour obtenir une note «juste» aux épreuves du bac, il faudrait faire la moyenne de celles données par 13 correcteurs en maths, 78 en français et 127 en philo...
Plus grave : ces notes si peu fiables que nous pratiquons sans rien y changer ou presque depuis 1880 sont le pilier même de l'orientation. « C'est absurde, on décide du devenir de jeunes en s' appuyant sur un outil obsolète, peu fiable, au lieu de s'intéresser à leurs différentes compétences, aptitudes, aspirations. Il s'agit juste de les trier», regrette Michèle Dain, directrice du Biop, le centre d'orientation de la chambre de commerce de Paris. Ce centre reçoit chaque année plus d'un millier de jeunes, premiers de classe ou exclus de l'école. Michèle Dain est frappée par leur désarroi grandissant : « On parle beaucoup du stress des salariés, de la souffrance au travail, de harcèlement, mais on ne réalise pas que tout cela existe plus encore à l'école. » En cause notamment ces contrôles «à l'ancienne», inefficaces, qui «ne donnent pas aux élèves des outils pour progresser », étroits dans les compétences évaluées et, de surcroît, bien plus fréquents chez nous que chez nos voisins. Dans certains pays - Finlande, Suisse, Danemark, mais oui, c'est possible ! -, on se passe tout simplement de notes !
(1)«L'évaluation scolaire est-elle au service de l'orientation ?»


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