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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

L'indispensable place de ce pauvre homme de père (Michel Pouquet)

L'INDISPENSABLE PLACE
DE CE PAUVRE HOMME DE PÈRE...

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"L'inquiétante puissance des mères", certains parmi vous s'en souviennent peut-être.  Les autres vont l'entre-apercevoir, par l'histoire de GERALD.  Que je ne commenterai pas : elle sert simplement de prologue, concret et véridique, à mes propos.

GERALD a 26 ans.  C'est un petit blond, plutôt beau garçon.  Il vient parler de ses difficultés relationnelles, de ses inhibitions, de ses échecs dans la vie sociale.  Il se dit homosexuel, et vit cela comme une tare.  "Ma mère m'a dévoré, couvé, elle avait toujours peur que je me fasse mal, je ne pouvais pas m'éloigner d'elle.  Je n'ai jamais pu aller en classe de neige avec les autres.  C'est une femme-enfant, qui veut toujours qu'on l'aime.  Elle m'a élevé dans le cocon.  D'ailleurs j'ai dormi dans sa chambre jusqu'à l'âge de 15 ans.  Même, de 6 à 12 ans, elle m'a fait partager son lit ; elle aimait que je me colle à elle, j'aimais ça...  J'ai un frère, il est à l'hôpital, il est schizophrène.  Moi, j'ai toujours été un enfant sage.  Et aujourd'hui, je suis toujours comme un enfant, je voudrais être un homme.  Mais il y a en moi un enfant qui a besoin d'exprimer sa violence.  Mon père ?  je ne sais rien de lui, ma mère n'en parlait pas.  J'ai juste su que c'était un américain de passage, l'été, un alcoolique.

***
Il faut à l'enfant une protection, un allié pour ne pas être dévoré par la puissance maternelle.  Cet allié, c'est le père.  L'évolution de l'être humain, son éducation, sont marquées par cette problématique véritablement essentielle : il faut que l'enfant sorte d'une relation duelle (à deux) avec la mère, et entre dans un groupe, un système comme disent les confrères psychiatres, à trois personnes : mère - père - et enfant.
Si le rôle des mères, face à leurs enfants, et dans la société, est en général assez bien situé, et compris, il n'en est pas de même pour les pères, qui, au sortir d'une histoire occidentale depuis des siècles dominée par les hommes, ne savent plus trop, bien souvent, après avoir légitimement donné plus de place à la femme dans la vie de la cité, quelle place leur reste, quel est leur rôle, leur fonction dans la famille.  Des pères dictateurs et fiers de l'être, on est passé bien souvent aux papas-poules qui trouvent tout naturel de doubler la mère, voire de s'en passer carrément : souvenez-vous de cette farçe gentille et stupide des trois hommes autour de leur coufin...  Voyez, dans l'actualité récente, cette revendication qui pointe, dans le sillage du PACS, du couple homosexuel (homme) réclamant le droit d'adopter un enfant... 
C'est la place du père qu'il faut redéfinir clairement, une place indispensable, que la société d'aujourd'hui a du mal à situer, car le cafouillage des idées autour du père est incroyable.  Et les contresens pullulent.  Je vais essayer, à la lumière de l'enseignement qu'apporte la pratique analytique, de vous aider à y voir plus clair.
En utilisant cet outil conceptualisé par Lacan, qu'est la distinction des trois registres qui, comme les claviers de l'orgue jouent la même mélodie de trois façons différentes, permettent d'aborder l'être sous trois angles différents : l'imaginaire, le symbolique, et le réel.
Et, en ce qui concerne le père, en commençant par le commencement.


LE PERE REEL

Au commmencement, il y a le père réel.  C'est le plus simple à comprendre, et il ne nous retiendra pas longtemps.  Le père réel, c'est le géniteur, celui qui fait un enfant à la mère.  C'est le père dont le rôle est le plus facile à décrire, et incontestable, encore que, avec le temps des clones, la question pourrait bien un jour se poser...  Mais pour le moment, même s'il se réduit au sperme déposé dans une éprouvette, sans lui, il n'y aurait pas d'enfant.  Mais dès que "la petite graine" se met à pousser, il s'efface de la scène.  A la limite, donc, le père réel, c'est le spermatozoïde.  Aucune difficulté à distinguer son rôle : biologique, animal, indispensable certes, mais limité.  Ce n'est pas lui qui fait problème.




LE PERE SYMBOLIQUE

Là, les choses deviennent un peu plus compliquées.  Accrochez vos ceintures...
Le symbole, c'est le mot.  Ou le geste qui signifie quelque chose.  Mais en ce qui concerne le père, il s'agit du mot.
Le père symbolique, c'est le père dont la mère parle à l'enfant.  C'est ce que Lacan a conceptualisé sous le terme de "Nom-du-Père", en se servant de la formule chrétienne, car c'est par là que tout commence - par des mots - dans le monde des hommes.  Là se fait le saut qui nous sépare de l'animal, saut qui marque l'entrée dans un monde où l'on parle, un monde de sens, spécifiquement humain, et de symboles. Ce n'est pas l'intelligence, comme on le croit souvent, qui départage l'homme de l'animal.  Il y a des animaux très intelligents.  C'est l'entrée dans le langage humain.  Le langage animal n'est qu'un système de codage de signaux ayant une signification précise et univoque : si votre chien remue la queue en vous voyant, vous savez ce qu'il vous dit.  Si celui du voisin grogne, aussi...  L'animal ne sait pas mentir.  Avec lui, les choses sont claires.  Tandis que dans le monde humain, si vous parlez d'un chat, seul le contexte de votre discours indiquera à votre interlocuteur que vous évoquez l'animal à quatre pattes, et non le shah de Perse, ou le trou d'une aiguille.
La mère va donc, sans aucune intention de sa part, faire comprendre à l'enfant qu'un homme compte pour elle, un hommme dont elle manque, qu'elle désire.  Un homme, donc, distinct du monde maternel dans lequel l'enfant est plongé sans savoir qu'il est lui, et qu'elle est elle.  Un peu comme s'il était son bras ou sa jambe.  En nommant le père, en tant qu'elle le désire et qu'il compte pour elle, de n'importe quelle façon qu'elle s'y prenne (et bien sûr pas en le désignant par son nom, dans une monstration purement verbale dont son désir serait absent), la mère fournit à l'enfant un repère stable, un mot, le premier de cette réalité qui va se constituer en émergeant peu à peu du monde symbiotique initial.  Notez que l'on dit "le père" pour simplifier, mais ce peut être aussi bien un concubin, un beau père : ce qui compte, c'est qu'elle nomme "son homme" — et signifie donc à l'enfant qu'il y a quelqu'un qui existe, distinct d'elle même.  Ou a existé : un père mort fait ici aussi bien l'affaire.  Ou un père souvent absent - je pense au cas des marins - mais dont la mère sait parler à l'enfant.  L'enfant, inconsciemment, s'identifie à ces phonèmes qui désignent un tiers distinct de la mère (identification symbolique).  Il est ainsi affermi, sans rien en savoir de clair, à une époque où d'ailleurs il ne dispose pas de mots pour penser, dans son statut de sujet (le "JE" n'est bien en place que s'il y a un "LUI" auquel il s'identifie), psychiquement séparé de sa génitrice, sujet désirant, donc pleinement humain.  Notez, au passage, que désirer, c'est manquer - et non se précipiter sur l'objet de son désir : cela, c'est la pulsion qui le réalise.  Ne confondez pas le désir et la pulsion.
Le père symbolique a donc une importance énorme - sans qu'il y soit pour autre chose que d'être désiré par la mère...  Tout passe par elle, à ce moment là, qui se situe dans les premières semaines ou mois de la vie et aboutit à la mise en place de la structure névrotique : l'être de l'enfant s'organise dorénavant dans un monde à trois, et il pourra progressivement se repérer dans la réalité qui l'entoure. 
Le NDP est donc, pour l'enfant, la première énonciation qui lui est faite - par la mère - de LA Loi.  LA Loi, avec un grand L, n'a rien à voir avec un quelconque interdit émanant de la société.  On ne le répètera jamais assez, à des oreilles qui n'ont pas l'habitude d'entendre ce qui est élémentaire pour tout psychanalyste, LA Loi est un donné du réel : c'est ainsi que les choses se passent, et nul ne peut y échapper.  On pourrait en donner la formulation suivante : "Nul n'est, rien n'existe, qui ne soit séparé, exclu".  Pensez, pour illustrer cette vérité bien banale - mais parfois difficile à accepter - à la naissance : le bébé doit être exclu - mais oui ! Vive l'exclusion, qui nous fait être ! - du ventre maternel.  L'évolution de l'être humain est ponctuée par des séparations, des exclusions, en cascade, s'il veut grandir, puis vivre pleinement.  Il doit accepter d'être exclu du sein , puis des bras maternels, du nid familial, etc...  Il doit rompre avec l'enfance, avec un amour antérieur, s'il veut aimer pleinement un homme ou une femme.  C'est cette rencontre initiale de LA Loi, sous la forme du NDP, qui permet la séparation des âmes, de la mère et de l'enfant, complétant la séparation des corps réalisée par l'accouchement.
Sinon, si le NDP est absent du discours maternel, s'il y a forclusion (traduction lacanienne d'un concept freudien) du NDP, c'est la structure psychotique qui se met en place, instituant une fragilité du sujet face aux expérience de manque, faute d'un mot-repère stable situé hors du monde maternel.  D'où la fragilité d'un être qui ne trouve plus dans le langage un repérage stable, de lui-même comme du monde qui l'entoure, qui ne sait plus qui il est, où sont ses limites, qui est menacé de disparaître, comme dans des sables mouvants, ou le grouillement d'une fourmillière : là est l'horreur de l'angoisse psychotique, qui s'observe clairement dans les débuts de la schizophrénie.
Morale de l'histoire : pour éviter à l'enfant la structuration psychotique, et le basculement ultérieur dans la maladie mentale, que la mère sache donc d'abord rester une femme.  Et que le père l'y aide, en sachant se faire aimer d'elle.  Mais oui, Messieurs, sachez donc aimer votre femme, et demeurer aimable, au sens premier du mot.  Je vais y revenir un peu plus loin.

LE PERE IMAGINAIRE

Celui-la, tout le monde le connaît, sans qu'il soit nécessaire de comprendre des choses subtiles, comme je viens de vous le proposer pour le père symbolique.  Le père imaginaire, c'est le papa : celui que l'enfant voit, aux côté de la mère (dont il perçoit l'image : rien à voir avec l'imagination.  L'imaginaire est le domaine des perceptions, par les cinq sens), et appelle en général ainsi.  Comme pour le père symbolique, un autre homme que le père réel peut aussi bien, ici aussi, faire l'affaire.
Ce père imaginaire, il ne prend réellement sa place que lorsque l'enfant s'intéresse à la différence des sexes.  Jusque là, le père n'était qu'une maman-bis, sans rôle spécifique, une doublure de la mère.  Mais lorsque l'enfant, vers 3 ans, commence, en se tripotant, à découvrir le plaisir masturbatoire, il s'intéresse à ce qui le procure : ses propres organes génitaux.  Et il se pose, seulement alors, des questions concernant la différence des sexes, qu'il avait très bien perçue auparavant, mais qui ne l'intéressait pas jusqu'ici.  Il va référer son propre sexe à celui du père et de la mère, et assumer - ce qui ne vas sans difficultés - d'être un garçon comme papa, ou une fille comme maman.  C'est la période critique oedipienne, à l'issue de laquelle son désir sera déterminé, quand tout se passe bien, dans le sens de l'hétérosexualité.
Le père imaginaire va ici jouer son rôle de deux façons.  D'une part en étant le premier personnage masculin que rencontre l'enfant.  D'autre part, en étant celui qui, maintenant, va dire la loi.

PARLONS D'ABORD DU PERSONNAGE.  Le papa est celui que fille et garçon vont aimer (ou non), et auquel ils vont s'identifier (selon des modalités diverses, car l'identification se fait aussi sur la mère, et elle ne se fait pas de la même façon chez la fille et le garçon.  Peu importent les détails). 
Il demeure que, pour qu'il joue au mieux son rôle, le personnage du papa doit être suffisamment consistant, et donc vrai.
Qu'il soit vrai : c'est à dire qu'il sache éviter d'être seulement une façade convenable - pire encore : prestigieuse - que les faits ou les mots vont démentir.  Il est tout à fait acceptable que le père soit un pauvre homme... plein de défauts ; qu'il soit comme il peut, mais que ses mots et ses actes demeurent en accord avec la façade, et que le discours que l'on tient à son égard soit vrai.  L'image du père, même douteuse - ou horrible - est de toutes façons un repère, qu'il s'agisse de l'aimer ou s'y identifier.  Sans susciter obligatoirement l'amour, ni une copie conforme : l'identification, par exemple, peut se faire a contrario, si le personnage du père suscite réprobation et rejet.  Le père alcoolique peut avoir un fils buveur d'eau — mais il est nécessaire que l'alcoolisme du père ne lui soit pas dissimulé.  Ce sont évidemment aussi, bien sûr, les images "positives" du personnage paternel, dont l'enfant recoit la marque.
D'une manière plus générale, c'est le fonctionnement du couple parental dont l'enfant gardera l'empreinte.  Une empreinte positive, si les parents savent s'aimer, si l'image du couple enseigne à l'enfant ce que c'est qu'aimer.
On ne dénonce pas assez la naïveté qui consiste à voir dans le divorce la source de tous les maux.  Parce qu'en effet les statistiques sont facile à faire, en corrélant la pathologie de l'enfant avec le fait du divorce, ou de la séparation.  Et certes, il y a une corrélation entre les deux.  Le divorce est bien un ratage de l'amour, mais au moins met-il un terme à une situation malheureuse et permet-il un nouveau départ.  Car ce qui est pathogène, ce n'est pas le divorce lui-même (même s'il est en général douloureux pour l'enfant), c'est le fait que les parents ne s'aiment plus, ou n'aient jamais su s'aimer.  Et il y a pire que le divorce, c'est le maintien de l'enfant dans un milieu familial perturbé, violent, pervers, ou l'un sadise l'autre qui n'a pas le courage de rompre.  Ou simplement un couple sans amour.  Ou pire, qui joue la comédie de l'amour, se sacrifie soi disant "pour le bien de l'enfant", alibi à la peur de se retrouver seul.  On conçoit que le repérage de ces situations perturbées soit plus difficile à mettre en statistique, que le simple fait du divorce ou de la séparation.  Comme le père (ou la mère), le couple doit être vrai, et non une simple façade bienséante.  Un couple, c'est fait pour faire l'amour et s'aimer.  S'il y a des difficultés, des tensions, des incidents, des déficiences (par exemple : l'impuissance du père), si les parents ne s'aiment pas : cela doit être dit à l'enfant, dès qu'il en a l'intuition, comme on peut le percevoir à ses remarques et ses questions.  La déchirure du couple parental l'atteint toujours, lui qui incarne justement dans sa chair l'union du père et de la mère.  Mais l'angoisse, et la pathologie qui s'en suit, seront d'autant plus grandes que la vérité de ce qui se passe lui demeure cachée.  Les mots, même douloureux, doivent être dits.  Et la rupture assumée, si elle est réelle et durable.
Lorsqu'il n'y a pas de père, ou de beau-père, d'homme aux côtés de la mère, l'enfant trouve en général, dans l'entourage, des images masculines de rechange.  La situation n'est pas catastrophique.  Mais enfin, il est nettement préférable qu'il y ait face à lui un couple papa-maman "en bon état de marche".  Les familles où il n'y a que des femmes ne facilitent pas l'éducation de l'enfant.  La famille monoparentale, dont on parle beaucoup ces temps-ci (et qui est en général le fait de la mère), est une erreur, au mieux un pis-aller.  Si une femme veut un enfant, qu'elle songe d'abord à aimer un homme...  Et si elle se retrouve seule avec un enfant sur les bras, qu'elle n'oublie pas qu'elle est une femme...  Et surtout ne se consacre pas exclusivement à son enfant !  Prenez garde aux stupidités véhiculées par le discours courant...

Le père doit enfin DIRE LA LOI dans la famille.  Or la loi, ici, lorsque l'enfant accède au désir génital, concernant son père ou sa mère, c'est la loi de l'interdit de l'inceste.  Le père, bien sûr, incarne la loi d'une manière toute simple : lorsque l'enfant le voit dans le lit de la mère.  Mais il ne suffit pas d'incarner la loi, il faut aussi la dire.  L'interdit de l'inceste est la deuxième formulation de LA Loi (la première étant celle du NDP), et le premier (par son importance) des interdits qui vont émailler l'éducation de l'enfant, et lui donner le sens de ses limites. 
Là est l'origine de la morale.  Nul besoin d'un Dieu ni d'un dogme, comme beaucoup en sont persuadés : la source de la morale, ce sont les parents, l'identification qui se fait sur eux, et le poids de leurs interventions éducatives pour faire obstacle aux pulsions de l'enfant.  Le mot de Dostoiewski : "si Dieu n'existe pas, tout est permis", est faux.  La morale se met en place à partir des parents, et Dieu-le-père, ici, avec un petit "p", c'est le père imaginaire.
Mais c'est à la mère de lui reconnaître sa place.  Quand les enfants grandissent, elle doit se tourner vers lui et lui déléguer le pouvoir qu'elle assumait seule jusque-là.  A lui maintenant de signifier à l'enfant les interdits nécessaires, que la mère reprendra pour les faire respecter.  Elle utilisera la formule bien connue : "ton père a dit...", décrochant ainsi la morale de la prémorale infantile, ou le bien, c'est ce qui fait plaisir à la mère, et inversement.  Et l'interdit premier, dont les autres découlent, c'est l'interdit de l'inceste, que l'on retrouve, avec des variantes culturelles diverses, dans toutes les civilisations.  Mais il se met en place de manière différente, face à la fille ou au garçon.

Face au petit garçon, le rôle du père est simple : sa présence aux côtés de la mère, et dans le lit conjugal, lorsque le couple s'aime, est suffisamment dissuasive pour que le garçon comprenne qu'il ne fait pas le poids...  C'est même tellement simple qu'en général rien n'est dit.  Alors qu'il serait intelligent de préciser au garçon qu'il ne s'incline pas seulement devant "la loi du plus fort", mais devant un père, parce qu'il le faut, avant qu'il soit lui-même homme et père un jour.  Les choses se gâtent lorsque la mère ne sait pas aimer son homme, et se rabat sur son garçon, dans une relation de flirt plus ou moins discret, ou simplement en lui faisant comprendre que le père ne pèse pas lourd dans son désir.  Le père se trouve ainsi disqualifié par la mère, et le garçon, même simplement en fantasmes, s'avance un peu trop près de son désir.  Il va le payer très cher, en angoisse et inhibitions névrotiques qui vont entraver sa vie adulte, et en particulier sa vie sexuelle : impuissance, éjaculation précoce, ou structuration d'une homosexualité.  Au père, s'il veut assumer son rôle, de réagir, de ne pas tolérer, et, s'il ne peut redresser la situation, de provoquer la rupture d'un couple qui n'en est plus un.  Le divorce est ici salutaire, et puisse-t'il être compris par les juges, dans la solution concrète qui va être prise pour le garçon, en l'écartant d'une mère pathogène.

Face à la fille, le rôle du père est plus complexe.  Le désir incestueux de celle-ci se déplace de la mère sur lui, et il va falloir que le père sache lui répondre.  Pour y répondre avec intelligence, il faut que le père comprenne ce qui se passe dans la tête de sa fille.  Non seulement elle aime et désire son père, qui est "son premier homme", mais elle est habitée par une angoisse inconnue du petit garçon (et donc du père, qui n'a pas vécu tout cela) : l'angoisse de vivre dans un corps qui, à l'âge de l'enfant, est dépourvu d'un signe de sexuation.  Alors que le petit garçon sait très bien qu'il est un garçon, "parce qu'il a un zizi, comme papa", la petite fille ne comprend pas la différence des sexes.  Elle ressent l'absence du pénis comme une malfaçon dont elle est l'objet, elle se sent "moche" (du côté de son sexe), et compense par une coquetterie, un souci de faire de tout son corps un objet séduisant, qui marque profondément la mentalité des femmes.  Illustration, au passage, de cette dialectique entre l'avoir et l'être, que l'on rencontre à tout bout de champ dans la vie psychique : faute de l'avoir (le phallus), elle essaie de l'être. 
Mais cela n'apaise pas, tant s'en faut, son inquiétude sur sa féminité, sur sa peur de n'être pas digne d'amour.  En se faisant aimer du père, elle cherche à se rassurer.  Face aux avances que lui fait sa fille, le père doit à la fois lui dire non, et la rassurer sur sa valeur, en lui faisant passer, sous la forme qu'il veut, en fonction des circonstances, ce message : "mais oui ma fille, tu es belle, tu as tout ce qu'il faut pour être aimée d'un homme plus tard — mais je ne suis pas pour toi." La fille sera rassurée, et la loi sera dite. 
Mais attention : n'en faites pas trop !  Elle n'a que trop tendance à idéaliser votre image : vous êtes son premier homme, elle fait de vous son "Prince charmant".
Danger !  Si vous avez tendance à vous complaire dans la compagnie de votre fille, à vivre avec elle une liaison privilégiée (même "en tout bien tout honneur", bien sûr !) casse cou !  Un tel amour (l'entourage dit alors avec justesse : "voyez comme il l'adore !") est en général narcissique, vous vous complaisez dans l'imaginaire d'une relation merveilleuse.  Cet amour qui vous comble, tous les deux, va ensuite la laisser avec un deuil difficile à faire, et risque de lui faire juger les hommes qu'elle rencontrera plats et sans intérêt. Sachez garder la distance.  Sinon, elle risque fort de rater sa vie, en rêvant d'un homme qui n'existe pas, sans même savoir, bien souvent, qu'il s'agit de vous et qu'elle désire illusoirement revivre le passé.
Ce désir d'être aimé du père permet de comprendre que beaucoup de filles tombent sans protester sous la coupe d'adultes pédophiles (substituts du père - quand ce n'est pas le père lui-même) : elles y cherchent un rassurement sur leur identité de femme, et croient y voir de l'amour.  La violence qui s'en suit, lorsque la vérité de la séduction leur apparaît, est à la mesure de leur espoir déçu.  Elles auront en général beaucoup de mal à aimer les hommes ensuite, et la frigidité les guette.
Sans aller jusqu'à ces errements, beaucoup de pères, même attentifs et aimants, ne savent pas parler ainsi à leur fille, faute de comprendre une situation qui est tout à fait étrangère à leur mode de penser.  On peut ajouter que beaucoup d'hommes, dans leur vie de couple, réagissent pour les mêmes raisons maladroitement face à l'angoisse d'une femme qui a gardé, bien souvent, au coeur d'elle-même ses inquiétudes de petite fille.  Le "dis-moi que tu m'aimes" leur paraît souvent naïf : ils n'ont pas tort, c'est un mot qui concerne, dans l'imaginaire de la femme, son papa...  Mais on peut comprendrre son malaise et tenter d'y répondre mieux qu'il n'est souvent fait.

D'une manière plus générale, DEUX DANGERS MENACENT LE PERSONNAGE PATERNEL.

celui de son évanescence dans le mythe du "père-copain", qui se refuse à assumer sa fonction d'autorité dans la famille, et croit qu'on peut élever un enfant simplement avec de la gentillesse et de l'attention.  C'est hélas une situation très répandue aujourd'hui, d'une démission d'hommes immatures, adolescents prolongés, refusant, ou méconnaissant leur rôle d'homme et de père.  Les errements pervers des années 60 ont malheureusement fait beaucoup pour estomper la nécessité de la présence de la loi dans la famille.  On en revient aujourd'hui, mais les dégats perdurent.  Nombre d'adolescents paumés d'aujourd'hui reflètent la carence des pères-copains d'une époque où l'on se berçait de slogans pervers ("il est interdit d'interdire"). Puisse le père aujourd'hui entendre son rôle avec plus de justesse, et s'il est bon que la confiance s'installe entre père et enfant, qu'il sache qu'il ne doit pas pour autant abdiquer et se rabaisser au rang du copain.
Le deuxième n'est, heureusement, plus de mode.  C'est le père-dictateur, qui eût son temps à la fin du siècle dernier, mais qui ressurgit en fonction de la pathologie paternelle.  Lorsque le père, souvent de structure obsessionnelle, a le culte de la loi, de l'ordre, et sadise son entourage en le pliant à ses volontés, voir en l'agressant carrément (comme certains, qui accablent leur fils de sarcasmes : "t'es qu'un pédé, une fifille...").  Le père terrifiant se disqualifie lui-même, en confondant face à ses enfants la loi et son bon plaisir sadique.  Ou en utilisant la lettre de la loi pour en bafouer l'esprit.  C'est heureusement rare, mais dramatique.  A la mère de réagir, et si elle ne peut amener son mari à une plus juste perspective des choses (et c'est difficile, car la pathologie paternelle s'oppose à toute remise en cause), de prendre les conseils d'un psy.

LA FONCTION PATERNELLE

Il faut en finir avec un contresens, que véhicule le discours courant, chez ceux qui se soucient du bien de l'enfant : "Il faut préserver l'image du père".  Eh bien non ! Cent fois non !  Tout l'enseignement de la psychanalyse, conceptualisé par Lacan, tourne autour de la nécessité de faire prévaloir le symbolique sur l'imaginaire.  Pas facile, dans une civilisation où l'image est reine, et où le sentiment l'emporte régulièrement sur la réflexion.
Ce n'est pas l'image qu'il faut préserver.  Je viens de vous dire qu'il fallait au contraire que cette image soit véridique, que le discours que l'on tient sur le père, discours qui bâtit une image, une représentation de celui-ci, soit vrai - sans tricherie, quelles que soient les vérités douloureuses qui soient ainsi révélées à l'enfant. 
Dois-je préciser que tracer du père un portrait véridique n'a rien à voir avec le fait de le dénigrer constamment, de tenir sur son compte un discours agressif ?  La vérité ne porte ses fruits qu'à condition de se dire dans un climat neutre, de constatation des faits, et non de réglement de comptes...  Avis aux mamans qui auraient envie de soulager leurs nerfs.

C'est la fonction symbolique du père qui doit être préservée.  En n'oubliant pas que la fonction paternelle déborde largement l'individu-père, et que la mère, ou un tiers se substituant au père, sont directement concernés par elle.  La fonction paternelle, c'est d'introduire et de représenter LA Loi dans la famille.
Je vous rappelle ce que cela implique : le père intervient simplement au début en tant qu'il est désiré par la mère : c'est le NDP qui est la première énonciation, par la mère, de LA Loi.  Ce faisant, elle introduit la fonction paternelle dans le monde de l'enfant. 
La mère continue d'assumer la fonction paternelle dans les premiers interdits qu'elle énonce à l'enfant.  Dans la manière dont elle s'y prend pour l'écarter d'elle progressivement.  Puis elle fait appel à l'aide du père imaginaire - le papa - pour qu'il prenne le relai.  Il faut alors, évidemment, qu'il veuille bien assumer sa fonction :  par sa présence déjà, dans le lit de la mère, et en sachant dire la loi à l'enfant.  Et que la mère sache déléguer son pouvoir, s'incliner, comme l'enfant, devant l'autorité du père, même si cela ne lui plaît pas trop.  Puis laisser ses enfants faire leur chemin dans la vie, loin d'elle.  Le couple se retrouvera seul, les enfants ayant grandi : tout cela se fait sans trop de difficultés lorsque les parents savent s'aimer.

On en revient donc, dans tous les cas, à la nécessité pour le père d'être aimé de la mère. 
A défaut, ou en en cas de séparation, d'être maintenu par elle, à sa place et dans son son rôle de représentant de la loi dans la famille.  Il ne suffit pas, Mesdames, de garder des relations courtoises avec votre ex : il faut aussi continuer de savoir dire à l'enfant : "ton père a dit".  Et ce n'est certes pas toujours facile, d'autant qu'il peut exister aussi, face à l'enfant, à côté de vous, un "nouveau papa", qui doit, lui aussi, assumer son rôle dans le nouveau couple. 
Mais restons dans le cas le plus simple.  Sachez, Messieurs, être responsables, pour assumer votre rôle, et jeter au panier les résidus des rêveries soixante-huitardes. 
Mais sachez aussi aimer votre femme, et vous faire aimer d'elle.  Si celle-ci est une vraie femme, elle a renoncé à trouver en vous le "Prince Charmant" dont elle révait petite fille, et peut vous aimer même si vous êtes, comme nous le sommes un peu tous, "un pauvre homme".  Mais un pauvre homme qui sait l'aimer.  En ne vous contentant pas de la désirer.  Et l'aimer "de tout votre corps", et pas seulement "de tout votre coeur", comme on dit.  Sachez la faire jouir...  Cela évitera à l'enfant de devenir pour sa mère le substitut imaginaire de votre pénis défaillant.   Si vous avez des difficultés en ce domaine, sachez que cela s'apprend, si vous avez le courage de consulter un psy, au lieu de nier tout problème, comme tant d'hommes ont tendance à le faire.
Plusieurs obstacles vous attendent ensuite - que je ne saurais évidemment dénombrer exhaustivement.  Mais je veux vous en signaler trois, en forme de conseils.
D'abord, sachez renoncer à votre adolescence, une adolescence qui bien souvent, aujourd'hui, du fait des études, du chômage, du soutien financier que l'on trouve auprès des parents - dure longtemps, et prépare peu à en sortir.  Ce qui aboutit souvent à ces couples déséquilibrés, où la femme ne trouve en face d'elle qu'un grand enfant, qui n'a de cesse de vouloir être aimé - en ne sachant pas aimer, en homme, sa femme.  Ou qui, comme un gamin, ne veut pas renoncer à ses distractions de célibataire, veut continuer de faire la fête avec les copains et n'assume pas, aux côtés de sa femme, les responsabilités de la maison.
Ensuite, essayez de comprendre un peu mieux la femme, qui ne fonctionne pas comme vous, et garde au coeur l'inquiétude de la petite fille, avide d'être considérée, écoutée, respectée, rassurée sur sa valeur de femme.  Qui a besoin d'être aimée, et non de se sentir ravalée au rang d'objet sexuel, destiné à satisfaire les besoins de Monsieur.
Enfin, et c'est l'obstacle le plus important, qui ne doit rien aux vicissitudes de l'époque, sachez dire non à votre désir le plus profond.  A la place de l'objet premier - méconnu - de son désir (la mère), l'homme, plus ou moins consciemment, souhaite posséder toutes les femmes.  C'est ce qu'illustre le mythe de Don Juan.  Il court après toutes, les jette après usage - et n'en aime aucune.  Ce "toutes les femmes" se résume, bien souvent, dans la pratique (car tout le monde n'a pas les moyens d'un Don Juan, ou d'un prince arabe dans son harem...), à en avoir deux, selon le schéma devenu un stéréotype bourgeois au début du siècle : la Vierge-mère à la maison, que l'on respecte, mais avec qui on s'ennuie, et la maîtresse avec qui on prend du bon temps - à la limite, la prostituée.  Ce n'est pas plus satisfaisant, et cette dichotomie est contradictoire avec l'engagement plein qu'implique le verbe aimer.  Car aimer suppose un engagement vis-à-vis de la femme, en sachant renoncer aux amours antérieures (à commencer par le culte de la maman, qui perturbe tant d'hommes immatures).  Engagement de tout l'être, qui n'est valable que dans l'instant, car nul ne peut engager l'avenir, nul n'étant maître de son désir, mais pouvant seulement lui dire non.  Engagement qui se renouvelle chaque jour, et ne se réfère pas à la pesanteur de l'institution, parce qu'on a signé devant le Maire ou le Curé.  C'est ce choix quotidien qui constitue la fidélité, qui n'a de sens que lorsqu'on sort d'une perspective carcérale ("t'as signé, t'as qu'à morfler", comme on dit dans la Marine - et comme savent le dire certains maris  sadiques, qui utilisent à leur avantage la formule de l'engagement "pour le meilleur et pour le pire"...).  Fidélité qui relève de l'exigence inhérente au choix - sans lequel on ne peut parler d'aimer - et au renoncement aux sollicitations de ce désir primordial de les posséder toutes, qui conduit aux emballements amoureux narcissiques dont il est nécessaire de comprendre l'illusoire.  Fidélité qui n'a de sens que dans le désir pour la femme avec qui "on fait équipe".  A une époque où tout le monde se gorge d'imaginaire et exalte la passion, ce n'est sans doute pas facile de vivre le couple de cette façon là, mais cela se découvre, s'apprend - au moins faut-il, comme le rappelait La Rochefoucauld, d'abord en parler.  Tout en rejetant les fausses solutions d'une morale dogmatique coercitive qui passe à côté de la difficulté d'aimer pour se contenter d'une façade bienséante, dont la nocivité a été dénoncée plus haut.
Car on ne peut parler d'aimer si le désir n'est pas de la partie.  Si l'on fait, comme c'est le cas à notre époque, du mariage et du couple, un lieu où l'on s'aime (et non plus une alliance entre deux familles, deux patrimoines, comme c'était l'usage aux siècles précédents), il ne faut pas s'étonner de la fréquence du divorce : je vous ai dit la nécessité de rompre les faux couples d'où l'amour a fui, et qui, sans en avoir l'air, démolissent un enfant.


Et si le père n'assume pas la fonction paternelle, s'il en est incapable ?  Il est alors nécessaire de le disqualifier.  L'acharnement de certains juges à vouloir "préserver l'image du père", à vouloir lui faire occuper vaille que vaille sa place, méconnaît bien souvent la pathologie, et donne trop d'importance à l'image, en passant à côté de l'essentiel.  Conséquence peut-être d'un freudisme mal compris.  Car si le père peut se permettre d'être un pauvre homme, il faut qu'il demeure capable de représenter la loi, et sinon, le récuser. 
Il n'est pas acceptable que sa pathologie le rende pathogène (cas des pères pervers, psychopathes, psychotiques, ou simplement grands immatures).  Le disqualifier n'implique pas qu'il ne puisse voir l'enfant, mais seulement que l'autorité paternelle lui soit retirée.  Cela doit bien évidemment être dit à l'enfant - et la Justice se doit alors de désigner un tiers qui se substitue à lui pour équilibrer le poids de la pesanteur maternelle, lorsque celle-ci paraît un peu trop lourde.  On aimerait être sûr que les juges soient pleinement formés à l'appréciation de ces considérations théoriques, et que leur entourage technique soit compétent.  Par les temps qui courent, la déliquescence des psy formés à l'américaine, devenus de parfaits chimistes, et adeptes d'une pensée cognitive qui ignore nos démons intérieurs, peut laisser planer quelques doutes sur les capacités de certains à comprendre les problèmes humains qui se posent dans une famille...

En définitive, et au coeur de ces exigences, il est nécessaire de bien comprendre ce qu'est la fonction paternelle : introduire et maintenir claire la nécessité de LA Loi au coeur de l'être.  Elle ne se limite pas, bien sûr, au cadre du couple, et concerne l'ensemble du fonctionnement du corps social.  Les moeurs et les lois se doivent, concrètement, de la répercuter.  Chaque fois qu'une loi, - comme dans le cas du PACS - infiltrée d'idéologie, méconnait le réel, et perd le sens des limites, il y a danger, pour une société, d'évoluer vers la "loi du plus fort" : et la tyrannie de l'opinion n'est pas moins dangereuse que celle d'un bureau politique, ou d'un dictateur...
J'aimerais vous quitter en sachant que vous avez compris à quel point ce sens de LA Loi, est nécessaire, et ne doit rien au pessimisme d'un Freud , ou au sadisme d'un moraliste : la vie et la mort sont inéluctablement liées, comme l'arrivée et le départ.  LA Loi, avec ce qu'elle comporte de renoncement à la jouissance, est, certes, du côté de la mort.  Mais elle est ce minimum de mort indispensable à l'épanouissement de la vie.

***

 "Des terreurs à la lumière", tel est le thème de ces rendez-vous mensuels.  La terreur, ici, c'est celle que suscite le réel, auquel est directement affronté le psychotique.  C'est, à un moindre degré celle du névrotique, que nous sommes tous, lorsque nous approchons un peu trop près de nos désirs méconnus.  La lumière, c'est celle qu'apporte la fonction paternelle, introductrice et gardienne de LA Loi.
Laissons le psychanalyste et l'aridité des concepts.  Rejoignons les poêtes et les philosophes, qui, depuis longtemps, se sont à leur façon confrontés au réel.  Le mot de la fin sera pour Nietzsche - le philosophe dont Freud se sentait si proche - qui, dans "La naissance de la tragédie" oppose et réunit Dyonisos, dieu de l'ivresse et du désir, qui terrifie et ravit à la fois, et Appollon, dieu de la lumière et de l'individuation de l'être, qui mesure et tempère les démons pulsionnels.  Et si l'on se souvient qu'aimer est un art — vérité qu'Ovide paya de sa déportation aux bords lointains du Danube, pour l'avoir voulu promouvoir dans un monde romain qui ne connaissait que l'érotisme et la puissance,— nous conclurons avec Nietzsche, à la croisée du chemin de ces dieux :

"Le sublime est la domestication de l'horrible par l'art"

Dr Michel Pouquet, l’Agora du 7 décembre 1999
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